Les vrais assistés dénoncent l’assistanat

Faire peser sur les chômeurs et sur les pauvres la responsabilité du chômage et de la pauvreté, cela en arrange certains. Et pourtant, les études sérieuses disent strictement le contraire. Le premier argument des spécialistes en culpabilisation des pauvres et des chômeurs est qu’ils ne veulent pas travailler. Toutes les enquêtes disent exactement le contraire. Certes, ils ne sont pas prêts à prendre n’importe quel emploi ou petit boulot indigne à temps très partiel dont on ne peut pas vivre, ce qu’aucun de leurs procureurs n’accepterait.
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Mais le grand argument des pourfendeurs de l’assistanat est économique : les chômeurs et les pauvres n’ont pas intérêts financièrement à travailler vu ce qu’ils reçoivent en aides publiques diverses. À force d’aider les pauvres et les chômeurs, on produit du chômage. Les économistes libéraux n’ont cessé d’insister sur ce thème des incitations monétaires. Les chômeurs seraient des accrocs aux aides publiques. À nouveau, toutes les études sérieuses disent le contraire. Elles montrent que les freins à la reprise d’un emploi sont nombreux et que, parmi eux, la faiblesse supposée des incitations monétaires joue un rôle très faible, sauf dans certains cas où l’emploi proposé se réduit à un petit boulot à très faible rémunération. Elles montrent aussi que les chômeurs et les pauvres, loin d’être accrocs aux aides, n’y ont souvent pas recours alors qu’ils y ont droit.
Les plus riches, qui bénéficient de niches fiscales ou d’autres cadeaux publiques, en profitent avec gourmandise et cela se compte en dizaines de milliards. Selon une vaste enquête du Trésor en 2009, si un quart des bénéficiaires du RSA ne recherchaient pas activement d’emploi, c’était d’abord à cause de leur état de santé, de contraintes personnelles, du sentiment de ne pas être employable en raison d’une période d’inactivité trop longue, de l’absence de moyen de transport ou de garde des enfants… et surtout du fait qu’il n’y a pas d’emploi disponible !
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Un autre argument mis en avant dans la vaste offensive contre les pauvres est particulièrement cynique, venant de gens qui se gavent. En fait, disent-ils, on ne vit pas mal avec les aides publiques. Beaucoup d’entre eux ignorent d’ailleurs, d’autres enquêtes le montrent, quel est le montant du RSA (509 euros mensuels en 2014 pour une personne seule n’ayant pas d’aide au logement). Et ils ne savent pas que, depuis 1990, le pouvoir d’achat des minimas sociaux a décroché de 25  % par rapport à celui du SMIC horaire ou par rapport au PIB par habitant. Si l’on suit les économistes libéraux, le creusement de l’écart entre l’assistance et les salaires aurait dû booster l’emploi. Vous avez tous observé ce phénomène, n’est-ce pas ?
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Ce que les puissants et les fortunés dénoncent comme fraude aux prestations sociales est négligeable, nettement moins de 1 milliard. Dans tous les cas, les pauvres fraudent infiniment moins que les riches ou les entreprises. Les seules fraudes détectées à la TVA, à l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur les société représentent ensemble entre 32 et 38 milliards, et les estimations plus globales tournent entre 60 et 80 milliards, dont l’essentiel, en particulier l’évasion fiscale, est le fait des 1 % les plus riches ! En gros 99 % des fraudes totales.
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L’inactivité des rentiers français leur a rapporté une centaine de milliards d’euros par an ces dernières années, rien qu’en dividendes nets versés et autres revenus de la propriété et des stock options.
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Les 0,01 % les plus riches ont gagné 243 000 euros de revenus annuels supplémentaires entre 2004 et 2011. Un gain équivalent à dix huit années de Smic. Rien qu’entre 2008 et 2011, le revenu annuel moyen après impôt par personne des 10 % les plus riches a augmenté de 1800 euros, contre une perte de 400 euros pour les 10 % les plus pauvres.

Extraits d’un article de Jean Gadrey dans Les Zindigné(e)s de janvier 2015.

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