Vive l’électricité nucléaire !

Le secteur du bâtiment émet beaucoup, notamment à cause du chauffage. Il y a donc deux moyens pour faire baisser ces émissions : mieux isoler ou… opter pour un chauffage « décarboné ». Et comme les Français se chauffent majoritairement au gaz, qui émet plus que le nucléaire, le plus simple est de les pousser à acheter des convecteurs électriques ! Un tel raisonnement, séduisant au premier abord, omet cependant plusieurs points : l’énergie nucléaire n’est pas sans conséquence sur l’environnement, tant s’en faut ; une telle approche ne va pas faire diminuer la facture des ménages.
« Électrifier à tout-va, c’est une catastrophe, accuse Olivier Sidler de négaWatt. Il faut d’abord améliorer l’enveloppe, donc isoler, et ensuite réfléchir au chauffage. »
Cette stratégie gouvernementale peut être résumée en quelques mots : le retour en force des « grille-pains », les chauffages électriques. Plusieurs réformes sont ainsi dans les gaines, qui vont fortement favoriser l’électrification au détriment de la rénovation. Et comme souvent, le diable se cache dans les détails, ou plutôt dans les données de la RE 2020, la nouvelle réglementation qui régira les performances environnementales des bâtiments.

Sous l’impulsion de l’État, elle prévoit que le coefficient d’énergie primaire de l’électricité soit abaissé de 2,58 à 2,30. « Pour produire 1 kWh d’électricité, il faut produire environ 2,7 kWh en énergie primaire nucléaire, car il y a des pertes d’énergie en cours de production, explique M. Charbit. Le gouvernement a donc décidé de baisser artificiellement ce coefficient pour faire paraître l’électricité plus « performante ».
De la même manière, la RE 2020 projette que l’effet climatique du chauffage électrique soit réduit de 180 à 79 g CO2/kWh, par simple changement des règles. Ces modifications d’apparence techniques vont pourtant avoir des effets très concrets :
« Chauffer un logement va toujours nécessiter autant d’énergie, car ses performances ne seront pas améliorées, mais les habitants seront incités à mettre de l’électricité, au détriment d’autres sources d’énergie et de l’isolation », dit Étienne Charbit, car l’électricité émettra, de
façon uniquement réglementaire, moins de CO2/kWh !
Autre tripatouillage comptable, l’étiquette énergie des bâtiments. Aussi appelée diagnostic de performance énergétique (DPE), elle est représentée par des classes de A à G, chaque classe correspondant à une consommation d’énergie. Schématiquement, les logements étiquetés F et G sont des passoires thermiques tandis que les A sont à basse consommation.
Le gouvernement a décidé que cette étiquette ne serait plus calculée en énergie primaire mais en énergie finale, ce qui revient là encore à ne pas prendre en compte les pertes liées à la production d’électricité. En d’autres termes, les logements chauffés à l’électricité jusqu’ici en classe C vont pratiquement tous se retrouver en classe B, donc être « de bien meilleure qualité » sans n’avoir pourtant rien fait. « Devant la difficulté à faire tous les travaux nécessaires, il a semblé préférable au gouvernement de surclasser des logements », dénonce négaWatt.

Article de Lorène Lavocat, pour Reporterre, publié dans la revue Sortir du nucléaire de février 2021.

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