Uber files

Le Monde a donc enquêté sur les liens entre le ministre de l’Économie de l’époque, Emmanuel Macron, et la société américaine.
Conclusion du quotidien vespéral : un « deal secret » s’est noué entre Bercy et Uber, scellé via des réunions dans le bureau du ministre, des appels, des SMS extrêmement nombreux. Un des éléments centraux de ce « deal » étant la suggestion, de la part du cabinet du
ministre à Uber, de présenter des amendements « clés en main » à des députés, qui favorisaient évidemment l’implantation d’Uber en France, avec à l’époque une certaine forme de monopole. La loi « Macron 2 » serait celle qui a le plus favorisé la multinationale, avec
la suppression des 250 heures de formation obligatoires à l’époque pour devenir chauffeur, remplacées par une simple journée.

Les enquêtes des journalistes du Consortium international des journalistes d’investigation, publiées de manière concomitante, entre autres dans The Washington Post ou par la BBC, mettent au jour des pratiques de lobbying agressives, parfois à la limite de la légalité. France Info met en exergue un « kill switch » présent sur les ordinateurs de l’entreprise entre 2014 et 2015. Ce « bouton d’urgence » opérait un blocage des données en cas de perquisition, alors qu’Uber faisait l’objet de plusieurs enquêtes. Les données protégées regroupaient par exemple les listes de chauffeurs VTC de l’entreprise, qui auraient permis des suivis fiscaux, et prud’homaux.

Au moment de l’implantation d’Uber en France, un mouvement social s’amorce parmi les chauffeurs de taxi. Des messages envoyés par Travis Kalanick, patron de l’entreprise à l’époque, montre que celui-ci encourageait ses chauffeurs à se rendre aux manifestations des taxis, malgré les risques pour les conducteurs, que certains cadres craignaient. Réponse ? « La violence [contre les VTC, NDLR] garantit le succès. » Son but avoué était d’obtenir une forte couverture médiatique, négative pour les taxis, qui servirait de levier pour obtenir des concessions des autorités, et des dispositions légales plus favorables. Les révélations du Guardian prouvent la mise en place de tactiques similaires dans d’autres pays européens (Belgique, Pays-Bas, ltalie, Espagne…). L’agitation sociale étant apparemment acceptable pour l’entreprise lorsqu’elle cherchait à devenir un acteur dominant. Désormais leader du marché, Uber n’apprécie plus autant ce type de manifestations, particulièrement quand elles viennent de livreurs de sa filiale Uber Eats qui dénoncent une exploitation, et réclament une reconnaissance de leur dépendance à l’entreprise.

Extrait d’un article de Daphné Deschamps dans Politis du 14 juillet 2022.

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