Uber et Deliveroo

Une des premières victoires qui a eu un retentissement est celle d’ABS, l’an dernier, en Californie, où tous les jobs des travailleurs ont été requalifiés en contrats de travail. Au Parlement européen, j’ai rencontré les lobbyistes d’Uber et de Deliveroo.
Eh ben je peux te dire que leur gros flip, c’est que ça se passe comme aux États-Unis…
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Le 12 décembre 2019, on a fait venir 80 coursiers à vélo au Parlement, mais aussi des taxis espagnols, des chauffeurs de Californie, une mobilisation énorme. Ils ont fait une AG, ont interpellé la Commission européenne. Dans l’entourage du commissaire, ils disent que ça les aide, dans le rapport de forces. Et là, je me suis rendu compte qu’il y avait en fait vachement plus de consensus que ce qu’on pensait, sur cette question. Même à droite, on trouve des alliés, faut les chercher, OK, mais on en trouve. On crée un arc de forces.
En fait, seuls les macronistes sont contre, vent debout !
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Beaucoup de livreurs ont compris une chose, désormais : leur statut, c’est une vraie porte d’entrée pour casser le code du Travail : de faux indépendants, qui sont tous pris pour des salariés. Mais chez Uber et autres, ils ne veulent pas du salariat. Le piège dans lequel ils veulent nous amener, c’est ce qu’on appelle le « troisième statut ».
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Une sorte de statut entre indépendants et salariés. En fait, il légalise le fait que ces chauffeurs sont des indépendants, avec un petit peu de protection sociale. Bref, on institutionnalise la précarité. Et c’est un vrai piège, du pain béni pour les plateformes. Bien sûr qu’elles sont d’accord pour prendre à leur charge un tout petit peu de protection sociale, avec une charte par exemple : ça les exonère de tout ! Ça leur évite des procès !
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Pour le lobbyiste de Deliveroo, Macron, c’est le modèle… D’ailleurs, Sylvie Brunet, une eurodéputée, est clairement envoyée par l’E1ysée pour ce faire. Tout le monde est d’accord pour progresser, aller dans le bon sens, sauf elle, qui ralentit les choses. Déjà, la loi LOM, la loi d’orientation des mobilités, de fin 2019, voulait protéger les plateformes, avec une charte contre tout risque de requalification des emplois en contrats de travail. D’ailleurs, les lobbyistes à Bruxelles regrettent que le Conseil constitutionnel n’ait pas validé l’idée…

Extraits d’un entretien de Leïla Chaibi dans le journal Fakir de décembre 2020.

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