Terroristes écologistes

Ces derniers mois, l’État a dépensé des sommes extravagantes pour réprimer les mouvements sociaux, à l’image de l’opération militaire menée sur la ZAD de Notre-Dame-des-landes, sans parler de la présence quasi-permanente d’un important dispositif de « maintien de l’ordre » à Bure, ou encore des forces déployées sur les campus des universités et lors de chaque manifestation. De la part
d’un gouvernement qui fait de la gestion rigoureuse des deniers publics son credo, cette situation est absurde. Dilapider de telles sommes pour expulser des personnes cherchant à vivre paisiblement, avec sobriété et simplicité, peut paraître irrationnel.

En réalité. ces choix s’expliquent par des biais idéologiques et la nécessité d’empêcher l’émergence d’alternatives aux modes de vies et aux subjectivités consuméristes qui dominent notre monde. Il s’agit d’éviter à tout prix que les populations ne s’aperçoivent du subterfuge, de la propagande gouvernementale, et des fausses promesses portées par les élites modernisatrices. Aujourd’hui
comme par le passé, les militants écologistes et anti-industriels sont au cœur de ces répressions car leurs combats radicaux portent le fer au cœur de la plaie.

[…]

Les militants écologistes ne cessèrent d’être en première ligne de la violence d’État et de la répression. Tout au long au XXe siècle, ceux qui dénoncèrent les ravages écologiques, l’influence exorbitante des intérêts privés, les prédations anti-démocratiques des grandes entreprises, furent au cœur de multiples formes de répression et marginalisation.

Aujourd’hui, l’association Global Witness et le journal britannique The Guardian comptent chaque année le nombre de militants et activistes écologistes tués dans le monde : 117 en 2014, 185 en 2015, 207 en 2016, 197 en 2017. Tous les pays ne sont évidemment pas logés à la même enseigne.
En tête se trouvent le Brésil – où les militants qui cherchent à préserver la forêt sont éliminés – mais aussi les Philippines, le Honduras et le Congo. L’industrie est majoritairement responsable de ces violences, en particulier l’industrie minière grâce à laquelle nous pouvons jouir de nos smartphones et autres gadgets high-tech.
En 2016, 33 morts étaient liées directement à des activités d’extraction. En Turquie, les militants écologistes sont également des cibles de la répression autoritaire du régime d’Erdogan. Amnesty International alerte de son côté sur la situation au Pérou et au Paraguay […]

Mais cette situation n’est pas propre aux pays dits du sud ou aux régimes autoritaires. Dans les démocraties libérales fondées sur l’extraction massive de ressources et l`hyper-consommation polluante, les gouvernements cherchent aussi les moyens de faire taire les empêcheurs de contaminer en rond. Même si la violence d’État y est plus feutrée et subtile, elle existe également alors que l’assimilation des mouvements écologistes aux mouvements terroristes semble une constante depuis 20 ans.

Extraits d’un article de François Jarrige dans La Décroissance de juin 2018.

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