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Gérard Filoche et le PS

L’autre jour, sur Twitter, je suis tombé sur un bout d’une émission « politique » à la con – je sais que ça ressemble à un pléonasme – où Gérard Filoche débattait – je dis comme ça pour aller vite – de la loi dite El Khomri avec un autre mec du Parti « socialiste » (P « S »).

Gérard Filoche, tu sais, c’est ce garçon qui, depuis maintenant tant d’années qu’on s’épuiserait à les compter, hurle, de l’intérieur du P « S », qu’il est de gauche, lui, et qu’il n’a pas l’intention de se laisser emmerder par les tarbas de compétition qui veulent faire de cette formation une succursale ultra du Medef. C’est donc pas du tout un mauvais bougre, mais il lui arrive – t’auras compris – d’être un peu naïf, en même temps qu’un peu émotif – et dans ce bout d’émission à la con dont je te parle, il était carrément hors de lui, c’était genre il gueulait des trucs du style jaaamais je n’abandonnerai mon parti à des gens de droite, jaaamais, mais jaaamais bordel.
Je resterai planté là, et un jour viendra où Jaurès vaincra.
Gérard ? Assieds-toi : je t’apporte ici de – très – mauvaises nouvelles.
Gérard ? C’est trop tard : le P « S » est de droite.

Sa mutation en parti de droite est, depuis l’installation à la chefferie de l’État français de MM. Hollande et Valls (et à la vérité depuis bien plus longtemps encore, mais je ne veux pas trop t’accabler), complètement terminée – et ça serait bien, pour toi, pour ta propre préservation, que tu te fasses enfin le cadeau d’accepter de te rendre à cette évidence.
Même, Gérard : le « socialisme » régnant, est désormais plus dextre encore, par certains – beaucoup – de ses procédés, que n’était, en son temps, lorsqu’elle était aux affaires, l’autre droite – celle de M. Sarkozy. Drapé dans la célébration de l’époque antédiluvienne où des socialistes sans guillemets savaient encore un peu ce qu’était la honte, il règne par le cynisme et la brutalité. Vend des flingues partout dans le monde à des crapules surpatentées, et musèle ici les contradictions par des coups de force parlementaires et des coups de matraques policières. Il embastille des dissidents – à titre, certes, préventif, et pour des durées limitées : la belle affaire – et fait donner contre le peuple, en leur lâchant la bride, ses compagnies de sécurité, dans un déchaînement qui ne s’était plus jamais vu depuis l’année de la mort de Malik Oussekine. Il fait couler dans les rues du sang de manifestant, puis retourne se génuflexer, flanqué de ses syndicalistes d’apparence et de sa presse d’acclamation, aux semelles d’un patronat que stupéfie l’évidence qu’il n’a jamais été si passionnément léché que par cette « gauche » miraculeuse.
Il est rongé jusqu’aux tréfonds par une dégueulasserie dont chaque jour apporte une nouvelle démonstration – et sa « base » ferme sa gueule à triple tour, consentant donc triplement à ses vilenies quotidiennes.
ll est trop tard, Gérard. Ton parti est devenu celui des infamies, et je ne vois plus guère qu’une solution : tire-toi de là, et vite.

Article de Sébastien Fontenelle paru dans Siné mensuel de juin 2016.

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Syndrome Daladier

La gauche de gouvernement est toujours victime du syndrome Daladier. Vous savez, ce radical, ministre de la Défense du Front populaire, qui arrive au pouvoir en 1938 et décide d’ « aménager » – pour ne pas dire détruire – la semaine des 40 heures. La société des loisirs et des bains de mer se réveilla de bonne heure au son de « il faut remettre la France au travail ! ».
À minuit moins dix dans le siècle, cette voix chevrotante s’accompagna d’un énième décret-loi visant les étrangers indésirables. Des camps de concentration s’érigèrent pour accueillir républicains espagnols, antinazis allemands ou autrichiens – souvent juifs – que l’on s’apprêtait à expulser dans « leurs pays ». Sur fond de montée des fascismes, Édouard Daladier fit de sa gestion droitière le paradigme d’une gauche perdue, sans valeur, et qui finira écrasée – ou absorbée – par l’État français du maréchal Pétain. Ça, c’est la manifestation originale du syndrome Daladier.

Aujourd’hui, son symptôme manifeste est à rechercher dans le projet de loi de réforme du Code du travail défendu par le ministère de Myriam El Khomri, et qui sied à nombre de députés de droite. À bien y regarder, ce projet est une synthèse de différentes études concoctées dans les think-tanks libéraux. « Aménagement » de la semaine des 35 heures, plafonnement des indemnités prud’homales, facilitation des licenciements, priorité donnée à la négociation d’entreprise, accords dit « offensifs » en faveur de l’emploi – les accords collectifs ne sont plus là pour « défendre » les salariés, mais pour permettre une meilleure compétitivité des entreprises.
Ces propositions, d’ordinaire avancées par les syndicats patronaux et leurs députés de droite, sont en passe de devenir l’étendard gouvernemental de la sacro-sainte liberté d’entreprendre contre tous les « conservatismes ».

Pragmatiques, les socialistes ? Ils le sont moins quand ils occupent les bancs de l’opposition : François Hollande, le 21 février 2006, apostrophait ainsi le gouvernement de Dominique de Villepin après le recours au 49-3 qui fera passer l’éphémère Contrat première embauche (CPE) : « Vous avez fait du code du travail le bouc émissaire de votre incapacité à créer de l’emploi et fait de son démantèlement l’objet même de votre politique. » Retour à l’envoyeur.

Le coup de l’opposition, c’est au tour de Martine Aubry de nous le servir. Rompue à la chose politique, la briscarde sait qu’un parti doit toujours proposer une alternative en son sein. En compagnie de lieutenants frondeurs, elle se délecte de l’opportunité offerte par la casse du droit du travail fomentée par ses collègues. « Trop, c’est trop ! » lancent les socialos contrariés qui ne se reconnaissent pas dans la gestion des affaires courantes par le gouvernement. Sans vergogne, cette ancienne directrice adjointe de Péchiney – boîte de l’industriel Jean Gandois, président du CNPF, ancêtre du Medef, de 1994 à 1997 – n’hésite pas, dans une tribune cosignée dans Le Monde (24 février 2016), à mobiliser la mémoire du mouvement ouvrier. Celui-là même que son parti, depuis sa création en 1969, s’est évertué à ne jamais représenter. Comment dire cela… ? Martine, nous n’y croyons pas deux minutes.

Extrait d’un article de Momo Brücke et Jean-Baptiste Legars dans le journal CQFD de mars 2016.

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La charte des socialistes pour le progrès humain

(…) La charte arrive encore à s’étonner de ce que le rapport de force entre capital et travail s’est détérioré au détriment des salariés… sans pourtant renoncer à agir dans le cadre de l’économie de marché. Il faut dire que dans la liste des personnalités auditionnées pour préparer le texte, on retrouve parmi les plus hargneux des représentants dudit salariat, tels que François Chérèque, ancien boss du syndicat jaune CFDT, ou Louis Gallois, ancien d’HEC et auteur du rapport scélérat du même nom. Pas la peine de s’étonner, dans ces conditions, que le texte de la charte se cherche une alliance de classe taille patron : ouvriers, employés de la fonction publique et du secteur privé, ingénieurs, entrepreneurs, paysans, artisans, créateurs, doivent se rassembler en une alliance des producteurs. Du riche au pauvre, en passant par le pauvre moyen et le moyen riche. À ce tarif, l’objectif délirant brandi récemment par Cambadélis, et consistant à faire bientôt du PS le parti de masses qu’il n’est plus, en deviendrait presque crédible.

La Charte a beau donner dans l’internationalisme dès le premier paragraphe, voilà que, page 16, elle fait rouler tambours derrière les entreprises, TPE, PME, ETI, grands fleurons, pour qu’elles fassent la course en tête dans la compétition internationale. En clair, je veux bien être internationaliste, si c’est bien moi qui te marche sur la tête.

Détail cruel : le neuf décembre dernier, soit trois jours après l’officialisation en grande pompe d’un texte qui parle d’instaurer une taxation des transactions financières, Michel Sapin et Pierre Moscovici lustrent la plaidoirie du lobby bancaire à Bruxelles pour s’opposer à… la taxation des transactions financières. Mais peu importe. En plein chômage de masse, le PS affûte ses répliques : Pour réaliser le progrès humain, les socialistes affirment la nécessité de défendre le bien commun et l’intérêt général. Cette punchline…

Qu’on ne se moque pas : le PS sait aussi se montrer plus rugueux. Alors qu’il célébrait à Paris et tous mocassins dehors l’édition de ces 24 pages ineptes, 300 militants de la coordination des chômeurs et précaires d’Île-de-France venus leur rendre visite se sont faits accueillir à coups de gaz, matraques et Taser. C’est que le socialo nouveau est tout comme l’ancien : plus à l’aise avec les jouets du pouvoir qu’avec les projets d’émancipation.

Extrait d’un article du journal CQFD de janvier 2015.