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Consommation Médias

Réclame, publicité, communication

Certains prétendent que la publicité est aussi ancienne que le commerce. Ainsi, la criée des poissons serait de la publicité. C’est méconnaître ce qui spécifie la publicité. Du latin publicitas « état de ce qui est public », la publicité a pour fonction de rendre public un message commercial. Cela suppose des moyens de diffusion dans une société à grande échelle. La publicité est donc toujours médiatisée, par l’imprimerie, la radio, la télévision, maintenant internet.

Elle est inséparable de procédés techniques permettant la fabrication en série, affiche, téléviseur, ordinateur.
Ainsi, la publicité est un système qui s’appuie sur des moyens de diffusion industriels qui médiatisent son message. Elle est précédée par un système technicien déjà productiviste et marchand.

La médiatisation du message publicitaire le rend anonyme et sans réponse possible. Il devient donc autoritaire et froid.
Le marketing téléphonique à domicile, qui pourtant renoue à priori avec une relation personnelle, conserve une posture de domination. Le bonimenteur téléphonique récite son message comme une mécanique, tente de s’imposer, à l’exemple d’une affiche impersonnelle et aveugle. Formaté et robotisé, le démarcheur téléphonique joue à la machine.

Ainsi, les premières publicités pourraient être les premières annonces commerciales qui apparaissent dans le journal La Presse en 1836. Elles s’appelaient à l’époque des réclames. Ce terme avait au moins l’avantage de la sincérité. Il identifiait l’annonce commerciale comme un cri de détresse poussé par la marque qui demandait à être nourrie.

Réclame, expression dévalorisante, a été remplacé par publicité, terme qui évacue l’intention marchande. Aujourd’hui, le mot communication tend à vouloir, sans un succès total, se substituer à publicité, afin d’en masquer plus profondément le sens. Communication évince la dimension publique de la publicité pour faire croire à une relation intime avec le consommateur. Ce terme masque également le caractère unilatéral de cette prétendue communication.

[…]

La publicité est inséparable de l’invention de la marque. La marque ne se « marque » pas seulement elle-même pour différencier ses produits de ceux du concurrent. Elle marque aussi les consommateurs.
On ne vend plus seulement un produit, mais une image de marque, c’est-à-dire des « valeurs » associées à l’usage du produit et une « identité » du consommateur attachée à la marque. La marque, en tamponnant le produit, tamponne en même temps le consommateur. Il est marqué. Être marqué relève du double mouvement de la distinction et de l’assimilation.

Il s’agit de s’assimiler dans une communauté, d’entrer dans le troupeau, tout en se distinguant du troupeau voisin. L’identité de marque fonctionne sur la récupération d’un double mouvement humain, le refus du conformisme et l’attrait du conformisme. Notre société géante se divise en sous-communautés, que ce soit les surfeurs, les rockeurs, la jet Society, le New Age, dont le conformisme spécifique pense s’opposer au conformisme global. Les marques, à la fois concurrentes et semblables, se distinguent et se copient en même temps, étant elles aussi en même temps conforme et séparées.

Le branding, « outil de management de la marque », qui construit une fiction identitaire autour d’une marque, a pour étymologie brand, qui signifie marque. Aux États-Unis, à l’époque de la conquête, le branding consistait à marquer les troupeaux au fer rouge. Tous les moutons sont identiques, mais ils se détachent en troupeaux différents.
Ainsi, la publicité gère, par l’intermédiaire des marques, le marquage du consommateur et la domestication de sa conscience. « Choisis ton esclavage » est l’essence du message publicitaire.

Extraits d’un article de Jean-Luc Coudray dans le journal La Décroissance de décembre 2019.

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Politique Société

L’armement publicitaire

Jetons un coup d’œil sur les budgets… le budget mondial de l’armement en 2016 a été de 1.686 milliards de dollars. Celui de la publicite pour 2018 sera de 579 milliards de dollars. Celui du Programme des Nations Unies pour le développement en 2015 était de 4,5 milliards de dollars. La Fédération internationale de football association (FIFA) dépensera pour la Coupe du monde de 2018 près de 2 milliards de dollars. Le budget du Partenariat mondial pour l’éducation se limite à 2 milliards de dollars par an.

Si les chiffres expriment la hiérarchie des importances, nous sommes obligés de conclure que :

  • Il est 289 fois plus important de décerveler les humains que de les éduquer.
  • Il est 128 fois plus essentiel de vanter des marchandises que de solutionner les problèmes de nutrition et de santé.
  • Il est aussi vital d`abrutir par le spectacle du football que d’éduquer.
  • Il n’y a qu’une chose au monde 3 fois plus importante que la crétinisation des masses, c’est leur bombardement.

Bombardement, matraquage, ces deux termes se rapportent aussi bien à l’armement qu’à la publicité, ces deux champions internationaux des budgets.
La France n’est pas en reste puisque le montant des investissements publicitaires en ligne a dépassé 4 milliards d`euros fin 2017, selon le Syndicat des régies de l’internet (SRI). C’est-à-dire à eu près deux fois plus que l’aide a l’éducation mondiale, et ceci uniquement pour la pub sur internet.

Destruction massive des cerveaux

Il y a deux manières de contenir les peuples : la force et l’endoctrinement. C’est dans le matériel de destruction massive des corps, et dans les dispositifs de destruction massive des cerveaux, que notre société mondialisée investit le plus. L’éducation, la santé, la nourriture sont les miettes humanitaires de l’aristocratie financière.
L’augmentation annuelle du budget mondial de la publicité illustre le renforcement constant de la propagande pour faire accepter des conditions de vie de plus en plus difficiles et un avenir de plus en plus incertain. Et si ça ne suffit pas et que les peuples se révoltent, les États disposent de moyens coercitifs importants.

Cependant, nous ne comptons dans le budget de décervelage mondial que celui de la publicité. C’est oublier les dépenses pharaoniques pour la culture industrielle et la diffusion, par les médias de masse, des propagandes politiques. Peut-être nous apercevrions-nous que les dépenses pour le lessivage des cerveaux atteint, ou même dépasse, celles pour le pilonnage des corps.

Début d’un article de Jean-Luc Coudray dans La Décroissance de mai 2018.

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Consommation Société

La publicité, bras armé de la société de consommation

Pendant que des résistants armés d’un pot de peinture sont poursuivis en justice, la pub, cette lessiveuse de cerveaux, devient de plus en plus intrusive, agressive, oppressante. Faut-il rappeler à quoi sert ce bras armé de la société de consommation ? À entretenir le culte de l’envie, créer sans cesse de nouveaux besoins, fabriquer du rêve, imposer la jouissance sans entrave par « un grand lessivage de la conscience collective », conformer aux marques, faire acheter, acheter et encore acheter. Ce n’est pas nous qui le disons, mais Jacques Séguéla lui-même, le plus célèbre publicitaire de France, « fomentateur d’imaginaire » qui a pénétré nos consciences :

« La publicité en un demi-siècle a tout envahi, nos télés et nos journaux, nos rues et nos routes, nos stades et nos théâtres. Désormais pas un pas sans pub. Maîtres d’école de nos enfants, ils passent huit cents heures face à leur professeur et mille devant leur petit écran, fascinés par nos spots, elle est aussi maître à vivre. Comme il est des maîtres à penser. Elle influence nos comportements ou plutôt elle les surprend pour mieux les amplifier.
Meilleure à zoomer sur l’humeur du temps qu’à réinventer le monde, elle crée les modes de vie avec une telle force de persuasion qu’elle nous modèle sans le vouloir, sans le savoir.
Désormais, on peut la craindre ou la mépriser, qu’importe, elle s’est imposée, clef du système de consommation, indispensable à toute survie économique. » (Jacques Séguéla, Pub story. L’histoire mondiale de la publicité en 65 campagnes.)

Lui, le missionnaire qui s’est toujours efforcé de « convertir les foules au Coca-Cola », de « fabriquer de l’imaginaire à la chaîne », selon lequel une affiche publicitaire « n’a pas le temps de séduire, elle doit violer », pour mieux « laisser des traces » dans les têtes des passants, lui agit dans l’impunité la plus totale et est même consulté sur tout et n’importe quoi dans les médias.
L’oracle Séguéla et toutes les cohortes de violeurs-publicitaires peuvent mener librement leur campagne d’endoctrinement au service de l’engloutissement des marchandises et de la croissance, ils ne sont jamais poursuivis. Et si la justice se préoccupait de santé publique ? Alors ce ne serait pas ceux qui luttent contre la publicité qui se trouveraient sur le banc des accusés, mais ceux qui la font. Pour viol des imaginaires en bande organisée et flagrant délit de lobotomie.

Extraits d’un article de Pierre Thiesset dans le journal La Décroissance de juin 2015.

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Environnement Politique

Pétition contre la publicité à l’école

Les grandes entreprises vont sauver la planète…

Sous couvert d’écologie, des grandes entreprises (Bolloré, Euro RSCG, Havas, Carrefour, Hase, etc.) financent l’association de Madame Maud Fontenoy, la “Maud Fontenoy Foundation”. Les thèses de Madame Maud Fontenoy trouvent un large écho dans les grands médias : soutien du nucléaire, du gaz de schiste, des OGM ou de la croissance. Ces thèses vont directement à l’encontre de tout ce qui a été depuis toujours défendu par les écologistes. Madame Maud Fontenoy revendique elle-même « un message différent sur l’écologie » (France 2, 3-4-2015). L’un de ses livres, on ne peut plus clairement intitulé Ras-le-bol des écolos, a été qualifié de « manifeste éco-capitaliste » par l’association Action Critique Médias (Acrimed, 3-3-2014). Des personnalités médiatiques de sensibilités diverses telles que Natacha Polony, Aymeric Caron ou encore le journaliste écologiste Hervé Kempf, ont dénoncé publiquement ce qu’ils considèrent comme une imposture (France 2, 12-4-2014, Reporterre, 26-3-2015). En effet, le discours développé par Madame Maud Fontenoy vise à cautionner l’idée selon laquelle l’idéologie productiviste et consumériste et la protection de la nature seraient compatibles. On comprend tout l’intérêt de grandes entreprises à financer une telle vision de l’écologie.

Derrière un discours présenté comme « non idéologique », « non partisan », Madame Maud Fontenoy professe son idéologie libérale. Elle est une proche de l’UMP dont elle a été candidate aux élections régionales en Île-de-France derrière Jean-François Copé. Elle fut ensuite un ardent soutien de la dernière campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy.

Les grandes entreprises font leur publicité à l’école…

Aujourd’hui, avec ses « kits pédagogiques », c’est à l’intérieur même de l’éducation nationale que s’immisce insidieusement la “Maud Fontenoy Foundation”. Ces tentatives d’infiltration des établissement scolaires par des grandes entreprises, par l’intermédiaire de fondations, ne sont pas nouvelles. Des associations de protection de l’enfance ou de lutte contre la publicité les dénoncent depuis longtemps. Nous vous rappelons que dès 1936 l’Assemblée nationale a proclamé l’interdiction absolue de toute publicité à l’école. Ce principe protecteur de l’enfance a été sans cesse réaffirmé, témoignant ainsi de l’existence d’un véritable consensus national sur cette question. Nous vous rappelons le devoir de neutralité de l’école. La “Maud Fontenoy Foundation” et ses sponsors n’y font pas exception. Ils n’ont rien à faire dans les établissements scolaires. Nous vous demandons leur exclusion immédiate des écoles, collèges et lycées.

Pétition lancée par le journal La Décroissance en mai 2015.

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Consommation Société

Matérialisme et bonheur

La décroissance : Dans votre livre The High Price of Materialism, vous montrez que les personnes matérialistes sont souvent plus anxieuses, narcissiques et ont une plus faible estime de soi que celles qui sont plus détachées des valeurs matérielles. La course à la consommation est-elle pathologique ?
Tim Kasser : C’est ce que les études indiquent clairement. Depuis que j’ai écrit ce livre il y a 12 ans, de nouvelles preuves se sont accumulées et montrent de manière claire, cohérente et fiable qu’il y a une relation négative entre le niveau de bien-être et le degré d’adhésion des gens aux messages de la société de consommation.

Comment la publicité exploite-t-elle nos insatisfactions ?

Le principal objectif de la publicité est de nous convaincre d’acheter, et la plupart des annonceurs utilisent toutes les techniques qu’ils peuvent mobiliser pour manipuler les gens dans cette direction. Parfois, ils essaient de nous convaincre que grâce à l’achat, nous serons aimés, libres, compétents, puissants, beaux, que nous nous sentirons en sécurité, etc. Ils essaient de capitaliser sur la diversité des besoins et des désirs qui sont présents chez chacun de nous, et de les modeler pour les diriger sur l’achat et la consommation. Souvent, les publicitaires envoient aussi un message qui nous dénigre : ils nous disent que si nous ne possédons pas le produit qu’ils essaient de nous vendre, nous resterions en quelque sorte inaccomplis, inadéquat. J’encourage les lecteurs à passer une journée à vraiment analyser les pubs qu’ils voient, à les remettre en cause et à se demander : Comment les publicitaires essaient-ils de me manipuler ? Cet exercice est très instructif.

Selon vous, la société de consommation détruit-elle l’empathie en produisant des individus égocentriques ?

Les travaux scientifiques montrent clairement que plus les gens sont obsédés par la poursuite de buts matérialistes, plus leurs relations sociales sont mauvaises et moins ils sont susceptibles de traiter les autres de manière « humaine ». Par exemple, des études ont montré que quand les gens font des objectifs matérialistes une priorité, ils entretiennent des relations sociales plus courtes, plus conflictuelles, ils ont moins d’empathie et sont plus égocentriques, ils se comportent de manière plus compétitive et moins coopérative, et sont plus hostiles à l’égard des autres. Ce manque d’empathie s’étend, au-delà des relations avec son entourage, à la façon dont les gens traitent l’écosphère. Des recherches ont précisément établi que le matérialisme était lié à une moindre préoccupation pour l’environnement et aboutissait finalement à des modes de vie destructeurs de l’écosystème.

Dans les pays riches où augmente la consommation d’antidépresseurs, nous semblons malheureux d’une existence vide de sens. Pensez-vous que nous sommes en pleine crise existentielle ?

À certains égards, oui. Pour moi, les « crises existentielles » se produisent lorsque les gens commencent à remettre en question la façon dont ils vivent, lorsqu’ils se demandent si leur existence leur correspond vraiment et s’ils font ce qui est réellement important à faire au cours de la seule et unique vie que nous sommes sûr d’avoir. J’ai l’impression que les gens acceptent souvent les représentations culturelles selon lesquelles ce qui est important dans une vie, c’est d’accumuler des richesses, de posséder beaucoup de biens, d’avoir un statut élevé, de se conformer à la « bonne » image. Mais cela nous conduit sur une trajectoire de vie qui, au mieux, procure des satisfactions de court terme et, au pire, nous distrait de ce qui est vraiment important et qui apporte un plus grand bien-être : l’amour et l’amitié, l’épanouissement de nos propres facultés, l’accomplissement de nos aspirations et l’effort de contribuer à rendre meilleur le monde qui nous entoure. Je pense qu’il est très difficile pour les gens de pointer du doigt la société de consommation, de réaliser qu’elle est à la source de ce genre de crise ; pourtant c’est sans aucun doute en elle que réside une grande partie du problème.

Extait d’un entretien entre les journalistes de La décroissance et Tim Kasser dans le journal La Décroissance de décembre 2014.

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Consommation Société

La consommation est-elle totalitaire ?

On assiste à une véritable stratégie dans le monde du marketing (…)
Il s’agit de marginaliser totalement les modes de vie extérieurs à la consommation, de les faire apparaître comme des objets de curiosité, des archaïsme certes émouvants le temps d’un documentaire à la télévision, mais nous condamnant à la régression à une vie humaine non-développée.
Alors que les réclames d’antan vantaient les vertus hypothétiques de leurs articles, « la pub » produit des significations indépendantes de tout usage et fabrique un monde parallèle, au point de passer pour une nouvelle culture. La consommation est bavarde, elle ne vise pas seulement à nous faire acquérir un produit puis à nous le faire remplacer par un autre, mais à nous faire assimiler un discours nous rattachant à une communauté fictive fondée sur des signes. On peut parler de propagande, mais d’un nouveau type, parce qu’elle fait disparaître l’écart qui sépare le discours de son récepteur et à l’intérieur duquel toutes les tendances centrifuges s’enracinent.
Il s’agit d’un héritage des totalitarismes qui avaient initié cette tentative de gommer les écarts et de rendre impossibles les dissidences. L’espace est aujourd’hui saturé par la publicité et la consommation, comme il l’était jadis par le culte du chef et de la révolution. La propagande consumériste n’a rien à envier aux bulletins d’informations permanents décrits par Orwell dans 1984. Il ne s’agit pas de dire que la société de consommation est de nature totalitaire, en oubliant que ce qui fut au cœur du totalitarisme, c’était l’extermination de masse, mais de montrer que des aspects du totalitarisme ont subsisté dans la consommation, à savoir le dénigrement du passé, du sujet autonome mais aussi des sociétés et de leurs cultures, la valorisation du grégarisme et le fantasme de plénitude.

Extrait d’un article de Florent Bussy dans Les Zindigné(e)s de novembre 2014.