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La politique théâtrale

« On ne peut pas, au détour d’un accord, parce qu’on a l’impression qu’il va y avoir des difficultés dans le processus de ratification, tout d’un coup changer les règles et vouloir zapper les parlements nationaux du processus. C’est incroyable. Je trouve ça encore plus hallucinant à quelques jours du résultat du référendum britannique qu’on puisse envisager au niveau de la Commission européenne ce type de très mauvaises manières. »
C’est Matthias Fekl, notre secrétaire d’État au Commerce, qui s’emporte, au début de l’été, contre Jean-Claude Juncker et son idée : contourner les parlements nationaux. Le Premier ministre Manuel Valls, à son tour, prévient : « Attention à cette image d’une Europe punitive. » Et jusqu’au sommet de l’État, François Hollande souhaite ce « contrôle démocratique ».
Mais un « contrôle démocratique » qui, pour eux, pourrait s’exercer à posteriori : la Commission signe, le traité de libre-échange entre en vigueur, et ensuite, ensuite seulement, dans les années à venir, les parlements nationaux discutent, et éventuellement on recause de tout ça avec le Canada.

Sauf que des députés socialistes s’enhardissent. Ils sont 77 à en appeler, le 21 septembre, au président de la République contre cette « application – même provisoire – de tout ou partie de ce texte ». Et ils accusent Bruxelles de « mépris pour les démocraties nationales ». À l’Assemblée, en Commission des affaires européennes, la présidente (verte) Danielle Auroi présente une motion en ce sens. Elle est soutenue par des parlementaires socialistes, écologistes, radicaux, et détient ainsi la majorité dans sa commission.
Sauf que, le matin du vote, le 5 octobre, cinq députés PS se font porter pâles : ils ont d’autres occupations, ailleurs. Ils sont alors remplacés par cinq autres députés PS… mais qui eux s’opposent au texte ! La motion est alors rejetée par 12 voix contre 4. Puis ces cinq supplétifs démissionnent à leur tour, et les autres reviennent !
Tellement pathétiques, tellement dérisoires. Du théâtre de boulevard. Avec un acteur, en particulier, qui a révélé son potentiel comique: Jean-Claude Buisine, député PS de la Somme. Il appartient aux 77 qui, fin septembre, dénoncent cette « application même provisoire » du CETA. Quinze jours plus tard, il fait également partie des cinq, nommés pour la journée, qui votent contre la motion…
Ouf, le traité pourra entrer en vigueur ! Cet épisode, c’est la caricature de ces « frondeurs » en carton pâte, avec leurs frondes qui n’envoient que des boulettes de papier mâché.

Article publié dans le journal Fakir de décembre 2016.

A-t-on encore le droit de faire confiance au PS ?

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Politique

Gérard Filoche et le PS

L’autre jour, sur Twitter, je suis tombé sur un bout d’une émission « politique » à la con – je sais que ça ressemble à un pléonasme – où Gérard Filoche débattait – je dis comme ça pour aller vite – de la loi dite El Khomri avec un autre mec du Parti « socialiste » (P « S »).

Gérard Filoche, tu sais, c’est ce garçon qui, depuis maintenant tant d’années qu’on s’épuiserait à les compter, hurle, de l’intérieur du P « S », qu’il est de gauche, lui, et qu’il n’a pas l’intention de se laisser emmerder par les tarbas de compétition qui veulent faire de cette formation une succursale ultra du Medef. C’est donc pas du tout un mauvais bougre, mais il lui arrive – t’auras compris – d’être un peu naïf, en même temps qu’un peu émotif – et dans ce bout d’émission à la con dont je te parle, il était carrément hors de lui, c’était genre il gueulait des trucs du style jaaamais je n’abandonnerai mon parti à des gens de droite, jaaamais, mais jaaamais bordel.
Je resterai planté là, et un jour viendra où Jaurès vaincra.
Gérard ? Assieds-toi : je t’apporte ici de – très – mauvaises nouvelles.
Gérard ? C’est trop tard : le P « S » est de droite.

Sa mutation en parti de droite est, depuis l’installation à la chefferie de l’État français de MM. Hollande et Valls (et à la vérité depuis bien plus longtemps encore, mais je ne veux pas trop t’accabler), complètement terminée – et ça serait bien, pour toi, pour ta propre préservation, que tu te fasses enfin le cadeau d’accepter de te rendre à cette évidence.
Même, Gérard : le « socialisme » régnant, est désormais plus dextre encore, par certains – beaucoup – de ses procédés, que n’était, en son temps, lorsqu’elle était aux affaires, l’autre droite – celle de M. Sarkozy. Drapé dans la célébration de l’époque antédiluvienne où des socialistes sans guillemets savaient encore un peu ce qu’était la honte, il règne par le cynisme et la brutalité. Vend des flingues partout dans le monde à des crapules surpatentées, et musèle ici les contradictions par des coups de force parlementaires et des coups de matraques policières. Il embastille des dissidents – à titre, certes, préventif, et pour des durées limitées : la belle affaire – et fait donner contre le peuple, en leur lâchant la bride, ses compagnies de sécurité, dans un déchaînement qui ne s’était plus jamais vu depuis l’année de la mort de Malik Oussekine. Il fait couler dans les rues du sang de manifestant, puis retourne se génuflexer, flanqué de ses syndicalistes d’apparence et de sa presse d’acclamation, aux semelles d’un patronat que stupéfie l’évidence qu’il n’a jamais été si passionnément léché que par cette « gauche » miraculeuse.
Il est rongé jusqu’aux tréfonds par une dégueulasserie dont chaque jour apporte une nouvelle démonstration – et sa « base » ferme sa gueule à triple tour, consentant donc triplement à ses vilenies quotidiennes.
ll est trop tard, Gérard. Ton parti est devenu celui des infamies, et je ne vois plus guère qu’une solution : tire-toi de là, et vite.

Article de Sébastien Fontenelle paru dans Siné mensuel de juin 2016.

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Politique

La charte des socialistes pour le progrès humain

(…) La charte arrive encore à s’étonner de ce que le rapport de force entre capital et travail s’est détérioré au détriment des salariés… sans pourtant renoncer à agir dans le cadre de l’économie de marché. Il faut dire que dans la liste des personnalités auditionnées pour préparer le texte, on retrouve parmi les plus hargneux des représentants dudit salariat, tels que François Chérèque, ancien boss du syndicat jaune CFDT, ou Louis Gallois, ancien d’HEC et auteur du rapport scélérat du même nom. Pas la peine de s’étonner, dans ces conditions, que le texte de la charte se cherche une alliance de classe taille patron : ouvriers, employés de la fonction publique et du secteur privé, ingénieurs, entrepreneurs, paysans, artisans, créateurs, doivent se rassembler en une alliance des producteurs. Du riche au pauvre, en passant par le pauvre moyen et le moyen riche. À ce tarif, l’objectif délirant brandi récemment par Cambadélis, et consistant à faire bientôt du PS le parti de masses qu’il n’est plus, en deviendrait presque crédible.

La Charte a beau donner dans l’internationalisme dès le premier paragraphe, voilà que, page 16, elle fait rouler tambours derrière les entreprises, TPE, PME, ETI, grands fleurons, pour qu’elles fassent la course en tête dans la compétition internationale. En clair, je veux bien être internationaliste, si c’est bien moi qui te marche sur la tête.

Détail cruel : le neuf décembre dernier, soit trois jours après l’officialisation en grande pompe d’un texte qui parle d’instaurer une taxation des transactions financières, Michel Sapin et Pierre Moscovici lustrent la plaidoirie du lobby bancaire à Bruxelles pour s’opposer à… la taxation des transactions financières. Mais peu importe. En plein chômage de masse, le PS affûte ses répliques : Pour réaliser le progrès humain, les socialistes affirment la nécessité de défendre le bien commun et l’intérêt général. Cette punchline…

Qu’on ne se moque pas : le PS sait aussi se montrer plus rugueux. Alors qu’il célébrait à Paris et tous mocassins dehors l’édition de ces 24 pages ineptes, 300 militants de la coordination des chômeurs et précaires d’Île-de-France venus leur rendre visite se sont faits accueillir à coups de gaz, matraques et Taser. C’est que le socialo nouveau est tout comme l’ancien : plus à l’aise avec les jouets du pouvoir qu’avec les projets d’émancipation.

Extrait d’un article du journal CQFD de janvier 2015.

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Montebourg et la mondialisation

« Vue de chez moi et vue d’en bas, pour tous ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, la mondialisation n’est rien d’autre qu’un système extrémiste. »
Au printemps 2011, Arnaud Montebourg publiait un petit opuscule remarquable, Votez pour la Démondialisation !
Pour la première fois, un dirigeant politique, et de la gauche de gouvernement, s’en prenait de front, avec violence, au libre-échangisme :
« Le bilan de la première décennie de mondialisation est un désastre pour ceux qui n’ont d’autres ressources que leur travail : délocalisations en série, destructions d’emplois et d’outils de travail, diminution des salaires…
Ces choix obsessionnels portés par des fondamentalistes de l’ouverture commerciale ont-ils servi les intérêts de quiconque, mis à part une infime minorité mondiale ? La baisse des revenus du plus grand nombre est là, l’enrichissement exagéré de 1% des ploutocrates mondiaux aussi, comme la contraction des protections sociales, la destruction des ressources naturelles, la crise écologique qui multiplie ses foyers d’apparition, et l’ombre de la peur qui s’est étendue sur les sociétés. C’est le triste bilan de cette escroquerie mondiale…
Les élites économiques et politiques se sont enfermées à double tour dans leur confort, dans leur mondialisation heureuse, protégées par leur culture, leurs professions, leur mobilité et leurs voyages, leurs sécurités financières. »e libre-échange transa
Comptait-il le transformer, franchement, ce « système extrémiste », en compagnie des Hollande, Moscovici, Cahuzac et Sapin, tous ces gens qui sont, et depuis belle lurette, et par mille biais, « les alliés des marchés financiers » ?
C’est lui qui en est transformé, surtout. Car le même M. Démondialisation soutient, désormais, le projet d’accord de libre-échange transatlantique.

Extrait d’un article de François Ruffin dans le trimestriel Fakir de février-mars-avril 2014.

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Politique

Le PS doit-il fusionner avec l’UMP ?

La langue française, dans sa version académique comme dans les fortes images de sa variante argotique, dispose de tout le vocabulaire nécessaire pour qualifier la défaite historique du PS au premier tour de ces élections municipales, où les gagnants sont, dans l’ordre : l’abstention, le Front national et la droite classique.
Sans compter bon nombre de repris de justice, voyous en col blanc et gibiers de potence divers, dont les scores remarquables témoignent de ce que les chances d’un Sarkozy au jeu de bonneteau électoral restent bien intactes pour l’avenir.
Donc une claque pour ceux que, du fait d’une paresseuse habitude, on persiste à appeler « la gauche », « les socialistes » — comme si ces gens-là avaient quoi que ce soit à voir avec les grands anciens du mouvement ouvrier.
Les maires PS encore un peu honnêtes et dévoués qui subsistent ça et là dans le paysage peuvent remercier MM. Hollande et Ayrault pour leur politique d’austérité, leurs mensonges et trahisons diverses dans à peu près tous les domaines, leur mépris affiché, sous des airs bonasses, des classes populaires. Ils leur doivent leur défaite, acquise ou annoncée, et pour ceux qui sauvent quand même leur écharpe, un affaiblissement notable : mais après tout, même ceux-là n’ont que ce qu’ils méritent, puisqu’ils ont soutenu la politique des sus-nommés.
Défaite « au premier tour », dis-je : car nous savons d’expérience que le second corrige parfois la tendance première. Nous verrons.
Pour ma part, j’invite à la confirmer sans céder à tous les chantages que nous allons entendre s’exprimer d’ici dimanche prochain, à commencer par l’usage immodéré du croquemitaine FN.
Pas de rémission pour le PS ! Pas d’alliance avec lui ! Que chacun persiste dans son être : l’abstention pour les abstentionnistes et le vote à gauche (la vraie) partout où il reste possible.

Un article de Bernard Langlois sur le site Politis le 24 mars 2014.