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Gestion néolibérale de la crise

C’est donc la crise qui a commencé en 2008, ou plus exactement la gestion néolibérale de cette crise par les responsables politiques précédemment cités (austérité pour le peuple, cadeaux aux banques et au MEDEF, chômage et inégalités en vive progression, destruction partielle du droit du travail, de la protection sociale et des services publics) qui sinon « explique » l’amplification du vote FN depuis cinq ans, au moins en constitue le terreau fertile, via notamment le chômage et les inégalités.
Les indices d’une forte corrélation entre montée du chômage et montée du vote FN abondent. […]

Mais l’autre grand facteur social influent est, plus encore que la pauvreté, la progression des inégalités : la carte de France du vote FN en 2014 est très proche de celle des inégalités de revenus, comme l’a montré le démographe Hervé Le Bras (L’0bs du 22 mars 2015).
Deux grands facteurs sociaux se conjuguent donc (ce qui ne veut pas dire qu`ils sont les seuls à jouer, mais leur rôle semble fort) : le niveau d’inégalités de revenu (l’injustice) et le taux de chômage (la relégation, engendrant insécurités diverses et désignation possible de boucs émissaires).
Or ces deux facteurs sont précisément ceux qui résultent le plus nettement de la gestion néolibérale de la crise actuelle, avec l’austérité partout, qui amplifie le chômage, et les cadeaux de toute sorte aux riches et aux grandes entreprises, sous couvert de compétitivité, qui amplifient les inégalités.
[…]
La démocratie dite représentative, telle qu’elle existe aujourd’hui, est moribonde depuis longtemps. Le système politique auquel il faut s’attaquer n’est pas d’abord le FN (même s’il va falloir le faire aussi), mais d’abord celui qui a produit ce phénomène en dépolitisant la vie politique, en installant l’économie libérale au pouvoir, et en mettant de plus en plus la démocratie entre parenthèses, comme ce fut le cas avec l’adoption du Traité de Lisbonne, avec le tournant de l’austérité pour le peuple et du « sauvetage » prioritaire des banques, avec le refus de la séparation bancaire et d’une taxation sérieuse des transactions financières, et comme c’est toujours le cas avec la négociation secrète de divers accords dits de libre-échange, avec notre Président en chef de guerre sans mandat international, et dans bien d’autres exemples.
Reste alors une grande question d’avenir : pourquoi la gauche non libérale, celle qui s’oppose vraiment aux accords de « libre- échange », aux lobbies bancaires ou à la destruction du droit du travail, mais aussi celle qui se bat pour la justice climatique et contre les « fous de croissance », pourquoi n’a-t-elle pas été en mesure, en France, de convaincre que ses combats étaient les bons ? C’est la question à se poser collectivement dans la période à venir, mais ce n’est pas du côté des appareils qu’on trouvera la réponse.

Extraits d’un article de Jean Gadrey dans Les Zindigné(e)s de janvier 2016.

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La gauche radicale prisonnière de ses tabous

(…) le souverainisme, le protectionnisme, la sortie de l’euro (…)
On serait en 1990, vous me diriez que je reprends les thèmes du Parti communiste français. À l’époque, le Front national était ultra libéral, Jean-Marie Le Pen était un fan de Thatcher et de Reagan et défendait la construction européenne qui était selon lui « une chance » pour moderniser l’économie, réduire le poids de l’État, alléger les charges des entreprises…
Aujourd’hui, le FN pioche largement dans le discours du PC du début des années 1990. C’est incroyable, mais c’est comme çà ! Sur les questions européennes et de mondialisation, le PCF de l’époque avait profondément raison. Seule la régulation par le politique permet de lutter contre la mondialisation. Et il ne peut y avoir de régulation à court terme, efficace, qu’au niveau national. Un espace économique européen a été construit, mais pas la souveraineté populaire qui va avec. Je pense que le drame de la gauche radicale, en particulier du PC, est d’avoir abandonné ce discours alors que le FN opérait un tournant à 180°, devenant le fer de lance de la lutte contre cette mondialisation. Mais la souveraineté nationale n’appartient pas à l’extrême droite. Jusqu’en 1997, le PC l’a considérée comme la condition de la souveraineté populaire. C’est la raison pour laquelle il a refusé la construction européenne, mené campagne contre l’élection du Parlement européen au suffrage universel en disant que ce parlement sans pouvoir servirait juste à légitimer la supranationalité du capitalisme.

Extrait d’un entretien avec Aurélien Bernier dans Siné mensuel de juin 2014.