Catégories
Économie Société

Préparer le terrain à la capitalisation

Le recul de l’âge de départ en retraite à 64 ans est un scandale, mais fixer 43 annuités pour y avoir droit, c’en est un autre. L’objectif est impossible à atteindre pour la plupart des salarié-es, notamment les femmes. Il signifie pension amputée, et donc invitation à souscrire à une assurance privée. Seuls les gros salaires peuvent s’y risquer. On dit bien « risquer ».

Quand les salarié~es ne peuvent plus travailler, pour cause de maladie, de chômage ou de vieillesse, ils et elles peuvent prétendre à un « revenu de remplacement ». Dans le cas de la pension de retraite de base, ce revenu est égal à 50 % du salaire annuel brut moyen, calculé sur les 25 meilleures années. Si on y ajoute les retraites complémentaires, le taux de remplacement pour une ou un salarié moyen atteignait 74 % en 2019, selon l’OCDE. Mais attention ! Si on n’a pas toutes ses annuités, on subit une décote progressive sur la retraite de base. Si par exemple, arrivé-e à 65 ans, vous liquidez votre retraite et qu’il vous manque quatre annuités (16 trimestres), le taux de remplacement chute à 40 % ! Mais basta, vous êtes « libre » de continuer à travailler jusqu’à 66 ans si vous voulez le taux plein ! Soyons clairs : c’est du flan.
Quand on franchit 55 ans, le taux de chômage et d’inactivité augmente inexorablement. Les travailleuses et travailleurs licencié-es passé cet âge-là ont bien de la peine à se faire recruter. En 2021, selon la Dares (ministère du Travail), 19,7 % des gens âgés de 55 ans étaient sans emploi ; ce taux montait à 24,6 % à 58 ans ; à 28,8 % à 60 ans. Conclusion : le taux de remplacement pour les retraité-es baisse, au fil des différents plans de casse des retraites qu’on subit depuis 1993.

Pour compenser cette baisse, les futur-es retraité-es sont invité-es à souscrire à des contrats d’assurance privés. Là on n’est plus dans une logique de répartition – où les actifs paient, chaque mois, les pensions des retraités -, mais dans une logique de « capitalisation ». Les souscripteurs et souscriptrices abondent alors chaque mois un fonds, qui va être placé sur les marchés financiers par leur banque ou assurance. Et une fois à la retraite, le fonds vous reversera chaque mois votre dû ! C’est en fait une illusion. Les prestations issues de la capitalisation sont médiocres. Pour compenser une baisse de dix points du taux de remplacement (de 50 % à 40 %), il faudrait selon la CGT épargner un mois de salaire, chaque année, pendant trente ans… Qui peut se le permettre, hormis les gros salaires ? Et encore, pour un résultat aléatoire… On sait ce qu’on verse dans ces fonds (il sont dits « à cotisations définies »), mais on ignore ce qu’on touchera à l’arrivée, et ce capital monétaire peut s’évaporer au rythme des crises financières annoncées par le dérèglement climatique. Aux États-Unis, la crise des retraites par capitalisation a ainsi contraint un tiers des retraité-es à reprendre le travail.

Alors à qui profite le système par capitalisation ? Le gouvernement fait mine de croire que cette épargne sera dirigée vers des investissements productifs. On se demande bien pourquoi ! La logique intrinsèque des fonds de pension, c’est la rentabilité financière à court terme, sans autre vision sociale, sociétale, industrielle ou quoi que ce soit… Les seuls bénéficiaires seront les acteurs et actrices de l’économie financière, avides de nouvelles masses monétaires à jouer en bourse.

Article de Guillaume Davranche dans Alternative Libertaire de mars 2023.

Catégories
Société

Georges Ibrahim Abdallah

Pendant la guerre civile au Liban, il y a 40 ans, les Palestiniens représentent un espoir révolutionnaire pour tous les peuples de la région. Les camps de réfugié-es palestiniens installés dans le pays bouillonnent de cet espoir. Les troupes israéliennes vont alors envahir le Liban à deux reprises (1978 et 1982) pour expulser les Palestiniens, causant des dizaines de milliers de morts et des destructions terribles. Dans le même temps, les troupes occidentales (France et États-Unis) débarquent à Beyrouth en 1982 et tentent d’imposer un régime fantoche dirigé par les phalangistes, alliés d’Israël.

Dans la résistance à ces invasions, les communistes libanais combattent aux côtés de la résistance palestinienne. Un groupe, les Fractions armées révolutionnaires libanaises (FARL), décide de porter la guerre à l’extérieur. Il revendique, en 1982, l’exécution à Paris d’un membre du Mossad et d’un membre de la CIA. Accuser les FARL de terrorisme rappelle l’Affiche rouge où les résistants du groupe Manouchian (dont le père de l’auteur de ces lignes était membre) étaient décrits comme « l’Armée du crime ».

Quand on rencontre Georges Ibrahim Abdallah dans la prison de Lannemezan (Hautes-Pyrénées), il est toujours à la fois entier et d’une grande modestie. Il est intransigeant sur la légitimité de son engagement : « il ne faut pas dire que je suis innocent ». Tout espoir à l’égard des autorités qu’il « abjure » est absurde. Arrêté à Lyon en 1984 pour détention de faux papiers, il justifiera lors de son procès l’action des FARL. Le préfet Yves Bonnet à l’origine de son arrestation et qui dirigeait alors la DST, n’hésite pas à dire aujourd’hui que Georges n’est pas coupable de ce pour quoi il a été condamné et que les preuves ont été fabriquées. Georges sera condamné pour « complicité d’assassinat »… à la prison à vie.

Les auteurs d’attentats en France liés à l’Iran ou au Hezbollah à la fin des années 1980 seront vite libérés ou échangés. Au Liban, après 1990, tous les chefs de guerre aux mains ensanglantées seront blanchis ou amnistiés et se partageront le pouvoir. Mais quand on s’appelle « Abdallah », on est forcément un « terroriste islamiste ». Dans cette France sécuritaire et menant une politique impérialiste, Georges, qui est un marxiste-léniniste né dans une famille chrétienne, va payer le prix fort.

Nos dirigeants répètent à l’envi les mots « État de droit », « République », « droits de l’homme », termes qu’i1s ne cessent de vider de leurs sens. Ce que notre système policier et juridique va infliger à Georges est ahurissant : une condamnation à perpétuité pour complicité de terrorisme quand les victimes sont des membres de services secrets de pays étrangers régulièrement coupables de terrorisme d’État. Celui qui l’a fait arrêter explique que les preuves ont été fabriquées. Son premier avocat reconnaît avoir été recruté par les services secrets français. Il n’y aura pourtant pas de nouveau procès.

Depuis 1999, Georges est « libérable » puisque la perpétuité réelle n’existe pas en France. Mais cette libération n’aura jamais lieu. La justice va pourtant prononcer cette libération à plusieurs reprises. En 2012, tout le Liban progressiste se précipite à l’aéroport pour l’accueillir puisque la libération est assortie d’une expulsion. Mais rien ne se passera. Les gouvernements israélien et états-unien (par la voix d’Hillary Clinton) exigent de la France son maintien en détention. Et parmi les dirigeants français, c’est l’ineffable Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur, qui refusera de signer la libération et l’expulsion.

Début d’un article de Pierre Stambul dans le mensuel Alternative Libertaire de septembre 2020.

Catégories
Politique

Darwinisme versus darwinisme social et eugénisme

Selon Patrick Tort, « rien de ce qui concerne le darwinisme ne saurait s’énoncer dans l’indifférence » à propos du contresens sur la théorie de l’évo1ution de Darwin : « Parce que Darwin est l’auteur de la théorie de l’évolution des espèces vivantes à travers le mécanisme de la sélection naturelle – impliquant la défaite des moins adaptés dans la lutte pour l’existence au sein d’un milieu déterminé – on l’a inlassablement déclaré responsable des pires « applications » de ce schéma, apparemment simple et systématisable, aux sociétés humaines : défense de la « loi du plus fort » et de ses conséquences, « darwinisme social », néo-malthusianisme, eugénisme, racisme, colonialisme brutal, ethnocide ou domination esclavagiste – sexisme enfin ».

Confronté aux églises, Darwin n’étend sa théorie aux humains et à la société qu’en 1871, dans son ouvrage La descendance de l’Homme, douze ans après la publication de De l’origine des espèces. Entre-temps ont été élaborées des interprétations de sa théorie qui auront des répercussions sociales et historiques dramatiques, le spencerisme ainsi que l’eugénisme, fondé par un contemporain de Darwin, son cousin Francis Galton.

Le darwinisme social, tel qu’entendu aujourd’hui, n’est qu’un pseudo darwinisme social, une idéologie dont le soubassement est le malthusianisme, doctrine développée par Thomas Malthus dans son Essai sur le principe de population paru en 1798. Cette théorie postule que la population tendant à croître plus rapidement que les ressources disponibles, des « obstacles naturels » (famines, mortalité infantile, épidémies…) rétablissent un équilibre entre populations et moyens de subsistance. Accorder des aides financières aux pauvres – les « poor laws » – serait dès lors dangereux à terme pour la société. En effet, si les lois de la population sont les lois de la nature, toute aide accordée aux défavorisé-es ne peut qu’encourager les pauvres à « proliférer » au détriment de l’équilibre social. En clair, « les lois inévitables de la nature humaine condamnent certains individus à vivre dans le besoin », ainsi la vie est une « loterie », tant pis pour celles/ceux qui ont « tiré le zéro », il ne sert à rien de les assister, seules issues : le travail, l’abnégation, la vertu, l’épargne… Cette doctrine moraliste réactionnaire sera largement relayée notamment par les prêtres anglicans de l’époque. Darwin a certes lu Malthus, lecture ayant participé à sa réflexion, mais il n’en a jamais validé ses conclusions politiques.

Le darwinisme social est un spencerisme

Cette conception malthusienne d’une société inégalitaire mais en équilibre, statique, ne permettait pas un évolutionnisme qui plaquerait les lois économiques et sociales sur les lois de la nature. Après Malthus, il appartiendra à Spencer de concevoir un « évolutionnisme » qui associe sélection naturelle et compétition économique sans entrave permettant la « survivance du plus apte », la hiérarchie sociale étant ainsi une projection directe de la hiérarchie naturelle.

L’évolutionnisme spencerien rencontra un fort succès aux États-Unis à la fin du dix-neuvième siècle. Il est conçu comme une doctrine de progrès, moderne, qui permet de suppléer la crédibilité faiblissante de l’éthique protestante pour légitimer le laisser-faire capitaliste, en faisant appel à la « science ». Se noue ainsi une « affinité élective » entre lutte pour la vie et libre concurrence, survivance des mieux adaptés et victoire économique des plus capables, élimination naturelle des inadaptés et élimination sociale des pauvres, inégalité naturelle et hiérarchie sociale, intangibilité des lois de la nature et des lois « naturelles » de l’économie, perfectionnement de l’espèce et progrès social grâce à la sélection économique.

Marx et Engels après avoir lu et commenté positivement L’origine des espèces se sont ensuite rangés du côté de la critique du darwinisme social, mais sans prendre appui sur Darwin lui-même. Ce dernier étant considéré par eux comme le fondateur de la théorie des sélections sociales, contribuant ainsi à légitimer l’annexion du darwinisme par une théorie sociale inégalitaire.
Bien sûr l’idéologie libérale capitaliste ne revendique pas aujourd’hui la référence au darwinisme social/spencerisme, pour autant elle y puise largement.

Extrait d’un article paru dans le mensuel Alternative Libertaire de juillet 2020.

Catégories
Société

Partenariats public-privé

Payés par l’État pour s’approprier nos données

Avec le confinement et l’impréparation complète de l’État, les partenariats public-privé avec les Gafam ou avec de « jeunes start-ups innovantes de la high-tech dans l’Hexagone » se multiplient et se renforcent. Éducation nationale, enseignement supérieur, hôpitaux : tous nos services publics sont menacés.

Fin avril, le collectif InterHop, qui promeut l’interopérabilité et le partage libre des algorithmes dans le secteur hospitalier français, a dénoncé dans une lettre ouverte un arrêté gouvernemental contraignant les hôpitaux à transmettre les données de leurs patientes et patients à Microsoft.
Dans l’enseignement supérieur, certains présidents d’université peu regardants ont opté pour des examens à distance télé-surveillés, en s’appuyant sur des logiciels mouchards déployés par des start-ups comme Manaxegam ou Proctorexam. Ces choix ont été dénoncés fermement par Solidaires Étudiantee-s, SUD Éducation et la Quadrature du Net.

L’impréparation totale du ministère de l’Éducation nationale a poussé nombre d’enseignantes et enseignants, pourtant parfois très critiques des Gafam, dans les bras de Google Drive, Discord, Zoom et autres Klassroom (produit d’une start-up française qui cache sa quête du profit derrière de beaux discours sur la protection des données). Ce dont le ministère semble très bien s’accommoder puisque sa réponse – l’ouverture de la plateforme Apps.education.fr proposant des services basés sur des logiciels libres – a été tellement tardive qu’elle n’aura probablement aucun effet ; après deux mois de galère, quels enseignantes ou enseignants prendront la peine de changer une nouvelle fois d’outils sans avoir été formés ? Et ces exemples sont loin d’être exhaustifs.

Malheureusement ceci ne nous surprend guère : nous avions déjà dénoncé dans ces colonnes ce type de partenariats. Les Gafam et leurs petites sœurs, les « start-ups innovantes », sont en train de déployer une véritable stratégie du choc. Ils profitent du délabrement des services informatiques de nos services publics pour imposer à grands coups de communication et d’offres promotionnelles – parfois, « la première dose est gratuite » – l’utilisation de leurs services et, par suite, la captation et la revente de nos données à des fins publicitaires et de surveillance.

Article de Léo et Nicolas dans le mensuel Alternative Libertaire de juin 2020.

Catégories
Politique

Démocratie régressive

Partout, la réaction, la régression, la destruction sont à l’œuvre. Bâti sur l’inégalité, sur l’accaparement des richesses parles classes dirigeantes, le système capitaliste et ses relais à la tête des États poursuivent leur fuite en avant au mépris des crises toujours plus graves qu’ils engendrent et qui, désormais, les dépassent.
Profondément mortifère, ce système, fondé sur la propriété privée des moyens de production, de distribution et d’échange, et sur la recherche du profit, détruit les êtres vivants et dévore la planète jusqu’à menacer notre existence même. Il organise, à l’échelle du monde, une concurrence généralisée qui fracture les sociétés, les jette les unes contre les autres.

Un seul mot d’ordre semble prévaloir : la précarisation des conditions de vie, de travail, de sociabilité. Méthodiquement, les solidarités essentielles au bon fonctionnement de la société, les droits arrachés par les luttes à la voracité des classes dominantes sont attaqués et détruits. Toute contestation est réprimée par une violence toujours plus grande.
Dans les pays industrialisés, le pouvoir ne se soucie même plus de légitimer sa domination par une part de redistribution ou par la garantie de libertés publiques. La social-démocratie a vécu.
L’époque est celle du retour de la peur. Peur de perdre ses moyens de subsistance, quand chacune et chacun est contraint à l’isolement social.
Peur qui permet à la haine des différences – ultime atout d’un système mis à nu – de prospérer dans les discours politiques.

Face à un tel constat, il y a urgence à construire un changement radical de société.
Pourtant, notre camp social est à la peine. La crise de légitimité qui frappe les gouvernants, accusés à raison de ne représenter qu’eux-mêmes et de défendre un système dont ils tirent profit, fragilise aussi les organisations traditionnelles du mouvement social et révolutionnaire, qui peinent à incarner une alternative.
Mais de cette crise de légitimité naissent aussi des mobilisations nouvelles, qui rejettent les formes d’organisation et les idéologies anciennes pour exiger une démocratie directe et radicale. Un foisonnement porteur de possibles, d’écueils aussi, d’expérimentations en tout cas.

Cette exigence de démocratie directe, ce refus de la délégation, cette affirmation du pouvoir à la base, pour la base, sont aussi les nôtres. Mais il reste encore du chemin pour qu’elles rompent avec les mirages électoraux vendus par la social-démocratie, cette promesse qu’abandonner sa capacité de décision au profit de quelques-uns profiterait à toutes et à tous. Elle est aussi en rupture avec la dictature pratiquée par les régimes socialistes autoritaires.

Début d’un article du mensuel Alternative Libertaire de juillet-août 2019.

Catégories
Politique

La bourgeoisie au pouvoir

[…] le taux d’abstention, de bulletins blancs ou nuls aux législatives, mais aussi la présence du Front national comme marche-pied pour Macron à la présidentielle, ou encore la mise sur un piédestal du futur président par une large partie des médias dominants pendant toute la campagne sont autant d’arguments à faire valoir plus largement pour refuser toute légitimité au président et à son gouvernement. […]

En bref, Macron a clairement été élu à la faveur d’un concours de circonstances et non par adhésion des travailleurs et des travailleuses à son programme. Plus fondamentalement, Macron a annexé l’espace politique hier convoité par Bayrou comme par Valls, où la bourgeoisie dans son ensemble, qu’elle soit de tradition social-démocrate ou libérale-conservatrice, peut se retrouver et constituer une force peu menacée par l’alternance.

Avec Macron, la bourgeoisie peut enfin échapper aux querelles intestines stériles qui l’empêchent de saper totalement les intérêts des classes populaires, et instaurer un paradis libéral où les dominants pourront s’enrichir encore plus sur le dos des plus modestes. C’est une autre raison de refuser toute légitimité à ce Président et ce gouvernement faits par et pour les catégories dominantes de la société. La composition sociologique du groupe de la République en marche à l’Assemblée, comme celle de son électorat, renforce cette idée d’une annexion du pouvoir politique par la bourgeoisie.

Le contenu des réformes voulues est certes encore flou, mais pas assez pour qu’on ne voie pas que, en effet, il sert les intérêts des capitalistes. En claironnant vouloir rapprocher les négociations du « terrain » de l’entreprise, en donnant priorité à l’accord d’entreprise sur l’accord de branche ou le Code du travail, le gouvernement entend surtout rendre les négociations plus difficiles pour les syndicats et les salarié.es, en situation de faiblesse sur ce « terrain » où le patron est roi.

Le plafonnement des dommages-intérêts pour licenciement abusif a également pour but de rendre les salarié.es dociles, puisque susceptible de se faire éjecter pour n’importe quelle raison, à n’importe quel moment, leur employeur n’ayant au pire qu’à s’acquitter d’une obole dont le montant maximum est déterminé à l’avance (et qui peut donc être prévu par une simple ligne sur un livre de compte).

Extraits d’un article de Vincent dans Alternative Libertaire de juillet-août 2017.

Catégories
Politique

Communisme = dictature ?

« Tout le pouvoir aux soviets ! » Ce cri de ralliement, opportunément confisqué et galvaudé par les bolcheviks à partir de 1917, Alexandre Skirda nous démontre avec brio qu’il est inscrit au cœur des habitudes du peuple russe, trop souvent présenté comme servile et résigné.

Dans un ouvrage richement documenté et récemment réédité par les indispensables éditions Spartacus, l’auteur aussi érudit que discret des Anarchistes russes, les soviets et la révolution russe de 1917 retrace avec soin les racines des coutumes libertaires historiquement présentes chez les populations slaves. Que ce soit à travers les mirs ou les vetchés (sortes de communes et de regroupements agricoles), celles-ci sont les héritières d’une longue tradition d’organisation collective et démocratique.

Ce n’est donc pas un hasard si la Révolution russe de 1917 a démarré sous les meilleurs auspices avec la constitution de centaines et de milliers de comités d’usine, de soldats et de paysans, prenant en main l’organisation de la vie économique et sociale. Et ce n’est qu’au prix d’un terrible coup de force que les militants bolcheviks reprirent à leur compte la grande révolution soviétique et la pervertirent par la centralisation étatique et la folie autoritaire.
Bien avant Kronstadt, dès le printemps 1918, les anarchistes seront les premières victimes de la répression du nouveau pouvoir. Emprisonnés, déportés, éliminés, ils payeront chèrement leur combat pour l’autonomie des soviets et leur opposition à la dictature du « prolétariat » ou plutôt de ses pseudo-représentants.
À travers un remarquable travail d’historien, compilant sources inédites et traductions, le russisant Alexandre Skirda démontre irréfutablement l’affiliation directe entre léninisme et stalinisme.
Les crimes du second n’ayant été rendus possibles que par l’acharnement du premier à étouffer les instincts de liberté du peuple russe par la mise en place d’un appareil d’État impitoyable. Les gènes de la dégénérescence totalitaire étaient inscrits au plus profond de la conception autoritaire du pouvoir bolchevique.

Début d’un article de Julien publié dans Alternative Libertaire de février 2017.

Catégories
Politique Société

Le burkini au service du racisme

L’affaire du burkini a été l’occasion pour nombre de crapules de rajouter leur pièce dans le jukebox du racisme. C’est toujours la même petite musique qui se met en place : un fait anodin est monté en épingle, puis les musulmans et musulmanes sont pointé-e-s du doigt, sommé-e-s de se faire discrets ou assimilé-e-s aux terroristes.
Des politiciens de tous bords en appellent aux « valeurs », eux dont la corruption morale et économique atteint des sommets. Mais ne nous y trompons pas, il y a là pour eux une aubaine pour communiquer. Grâce aux punchlines drivées par les conseillers en com, le petit foulard est agité et tout le monde fonce. Oubliez la loi travail, les attaques aux libertés publiques ou les guerres impérialistes. Pensez au voile.
Mais au-delà des phrases chocs et des polémiques racistes, c’est une entreprise de déshumanisation qui se développe. Les discours deviennent les justifications d’actes de violence et de politiques étatiques racistes : confiscation des biens des migrants en Allemagne, en Suisse ou au Danemark, jobs à 80 centimes de l’heure « réservés » aux migrants en Allemagne.
Peu à peu se met en place la politique du pire. Ne soyons pas la grenouille qui se laisse engourdir par une eau qui bout peu à peu. Notre volonté de lutter, de rassembler doit être décuplée car nombreux sont celles et ceux qui se refusent à la fatalité.

Édito du journal Alternative Libertaire de septembre 2016.