Retraites, un choix idéologique

Tout d’abord, maintenir le système actuel n’est pas forcément un objectif souhaitable. Il pourrait y avoir de sérieuses améliorations, comme l’égalité femmes-hommes par exemple. Mais ce qui est certain, c’est qu’il n’y a aujourd’hui aucune obligation à avoir une mesure d’âge ou de durée de cotisations à court ou moyen terme.
Ainsi, le gouvernement fait mine de s’inquiéter d’un déficit d’environ 12 milliards d’euros à l’horizon 2027, or non seulement ce n’est pas inquiétant (on pourrait finalement s’en accommoder), mais ce déficit pourrait même être comblé assez facilement, par exemple avec une très légère augmentation des cotisations des salariés de l’ordre de 0.8 %. Cela représenterait un peu moins de 15 euros par mois pour quelqu’un qui gagne le Smic, et un peu plus de 25 euros quand on est au salaire moyen. Cela, c’est la version la plus coûteuse pour les salariés. Mais il y a bien d’autres solutions : diminuer les exonérations de cotisations employeurs ou revenir sur la baisse des impôts de production. Les marges de manœuvre existent et on les connaît. Simplement, le gouvernement les exclut.

C’est vraiment un choix idéologique : le projet de l’exécutif est de diminuer les prélèvements obligatoires et de baisser les dépenses publiques. Son problème n’est pas d’équilibrer le système de retraite, c’est de parvenir à s’en servir pour faire des économies sur les dépenses publiques. Sans revenir sur les baisses d’impôts aux entreprises ! Et ce n’est pas une extrapolation ou une interprétation de ma part.
Cela apparaît à la page 9 du projet de loi de finances, ou a la page 3 du programme de stabilité transmis à la Commission européenne, où il est expliqué que le gouvernement français s’est engagé dans des baisses d’impôts (comme avec la fameuse TVAE ou la taxe d’habitation), et que, pour que cela ne creuse pas les déficits, il promeut des « réformes structurelles », par exemple « la réforme des retraites ». Je cite de mémoire, mais ce sont quasiment les mots employés. La réforme n’a pas pour cause principale un supposé problème
important de déficit. Le gouvernement a deux objectifs : mettre davantage de personnes sur le marché du travail, mais surtout une stratégie générale de baisse d’impôts, plutôt sur les entreprises, compensée par une baisse des dépenses publiques via sa réforme du système de retraite.
Celle-ci ne repose pas sur un diagnostic sérieux. C’est ce qui la lui rend difficile à justifier. Elle ne répond à aucun des enjeux réels de la période : l’emploi des seniors, les inégalités femmes-hommes, la question du vieillissement, l’aménagement du travail, etc.

Extrait d’un entretien de l’économiste Michaël Zemmour dans Politis du 05 janvier 2023.

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