Repenser la démocratie

La question de la nature de la démocratie ne se pose donc plus dans la mesure où la réponse est donnée d’emblée : « la démocratie, c’est les élections ».
Il faut déconstruire cette identification mystificatrice en rappelant que, pendant plus de deux millénaires – d’Aristote à Montesquieu – il était admis que les élections correspondaient à un régime oligarchique (le pouvoir d’une élite) et le tirage au sort à un régime démocratique (le pouvoir du peuple) ; ce second mode de désignation des gouvernants étant le seul à postuler l’égale compétence politique des citoyens.
La démocratie suppose en effet que la politique soit une activité accessible à tous, et non réservée à une minorité de professionnels prétendument plus compétents que leurs électeurs en matière d’affaires publiques. Faire place à la conception classique (athénienne à l’origine) de la démocratie oblige à intégrer des éléments de démocratie directe comme les assemblées (agora) délibératives et décisionnelles ouvertes à tous, la rotation des tâches et le tirage au sort.
Cette démocratie par en bas n’interdit pas le recours à la délégation, qui restera nécessaire à bien des égards. Mais cette délégation se distingue de la représentation telle que nous la connaissons aujourd’hui. Les représentants ne représentent en réalité qu’eux-mêmes et parlent « à la place » de leurs électeurs en prétendant parler « en leur nom ». Les délégués restent pour leur part sous le contrôle de leur base grâce à un ensemble de mécanismes tels que la révocabilité permanente, la responsabilité des élus, les mandats semi-impératifs, l’interdiction du cumul des mandats (dans le temps et dans l’espace) et l’instauration d’un salaire des élus égal au salaire moyen de la population.

Extrait d’un article de Manuel Cervera-Marzal dans le journal Les Zindigné(e)s de mai 2014.

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