Religion et fascisme

La lâcheté se porte bien par les temps qui courent. On a beaucoup parlé de l’affaire Mila. L’ado a été passée aux rayons X, tout le monde la ramène sur son aspect, son âge, ce qu’elle a dit, ce qu’elle n’a pas dit, ce qu’elle aurait dû dire. Et comment elle fait le jeu de l’extrême droite. Ben voyons. On parle laïcité, blasphème, vilenie des réseaux sociaux. Mais on ne mentionne qu’au passage, sans creuser, les 50 000 menaces de mort et les tombereaux d’insultes machistes, lesbophobes aussi variées qu’ignobles qu’elle a reçus. Un raz-de-marée de merde. Pourtant le problème est là. Pas ailleurs. Foutredieu de cornecul de la mer molle !

Mais voilà, on a la trouille. Il y a de quoi : on pense, entre autres, aux centaines de victimes, à Samuel Paty décapité, comme ça, pour rien. Ça horrifie, oui. Alors quoi ? Mieux vaut ne pas faire de vagues ? La fermer ? Dire à Mila qu’elle aussi aurait dû la fermer ? C’est plus prudent ? Plus raisonnable ? Faudrait pas insulter la religion ? Autrement, on se fait couper la tête ? Sérieux ? Faut s’écraser collectivement ? Ne pas froisser les abrutis qui risqueraient de passer à l’acte ? Où est la limite, j’aimerais qu’on m’explique.
On le sait, pourtant, que quand on veut éviter la guerre en acceptant le déshonneur, on récolte les deux.

Ici en Europe, quand les cathos menaient la danse, on coupait des langues, on fouettait, on pendait les blasphémateurs. Aujourd’hui, dans de riants pays à intégrisme musulman, on fouette, on bastonne, on vitriole. Pour… des mots ! Y en a qui voudraient faire pareil ici. Jeter aux orties les décennies de lutte qu’il fallut à nos aïeux pour empêcher les fous de Dieu de nuire.

Tel le singe qui regarde le doigt quand on lui montre la Lune, on dissèque Mila pour que çà se voie moins qu’on se laisse intimider par les fascistes. Car les intégristes dits religieux sont juste des fascistes. Ils ont choisi la religion comme vecteur, mais leur seule valeur est la haine. Admettre qu’il faudrait ne pas blasphémer, c’est entrer dans le jeu des assassins.

Article d’Isabelle Alonso dans Siné mensuel de juillet 2021.

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