Pénurie générale de main d’œuvre

Les Échos dressent un tableau de cette « pénurie générale de main d’œuvre » : « soignants, forgerons, pharmaciens, data analystes, menuisiers, mécaniciens, aidants, couvreurs-zingueurs »… « Agacé » par ces manques, houspillé par le Medef, Macron et son gouvernement apportent en hâte leur réponse : une énième réforme de l’assurance-chômage. Les demandeurs d’emploi ont trop de droits, trop longtemps. Voilà qui bloque le marché du travail, leur retour au boulot.
En Commission, un député Marcheur proteste: « On manque d’aides à domicile pour s’occuper des personnes âgées… Et un directeur, la semaine dernière, me racontait qu’un intérimaire avait refusé un poste ! »
Quel scandale, en effet : refuser un poste à 800 € par mois, avec une amplitude de tôt le matin à tard le soir, avec bien souvent deux week-ends sur trois occupés… Il faut donc flexibiliser, fluidifier pour que le cariste à Maubeuge se fasse serveur à Cannes. Les allocations Pôle Emploi feront l’objet, désormais, d’une cotation variable, un genre de Bourse, avec un algorithme. Voilà leur diagnostic, et leur solution.

Les nôtres, maintenant : depuis quarante ans, le travail est maltraité, réduit à un coût, et un coût à réduire. Depuis quarante ans, surtout pour les métiers populaires, les salaires sont « modérés », la sous-traitance encouragée, les horaires découpés, la précarité installée. On ne parle plus de « métier », avec des savoir-faire, des qualifications, un statut, mais d’ « emploi ». Qui devient des bouts de boulot, à cumuler.
Plus nos dirigeants célèbrent « la valeur travail » dans les mots, plus ils l’écrasent dans les faits : de loi en loi, le travail est dépouillé de ses droits, de ses règles. Et c’est la main invisible du marché qui doit réguler tout ça.
Eh bien, on le voit, ça ne marche pas. Que fait la main invisible du marché ? Elle étrangle les uns et donne tout aux autres.

Que devons-nous faire ?
Desserrer cette main, lui opposer notre volonté, des règles, des droits, statuts et revenus, qui assurent non seulement salaire et horaires aux travailleurs, mais au-delà : leur respect.

C’est le grand choix, devant nous : le marché ou la volonté ? Le marché qui conduit au chaos, ou la volonté qui pose des règles ?
Il nous faut une volonté. La volonté d’investir, la volonté de recruter des centaines de milliers de travailleurs, de diffuser des pubs à la télé comme pour l’armée de l’air. Un exemple : les passoires thermiques. « Vous voulez rendre service à la France et à la planète ? Lutter contre le réchauffement climatique ? Engagez-vous comme travailleurs du bâtiment ! », pour que les jeunes entrent dans cette voie avec fierté, avec conviction, et avec des avantages : 2000 € par mois minimum, une semaine de congés en plus, la garantie à 50 ans d’une seconde carrière, parce que oui, maçon, couvreur, plaquiste, carreleur, dans tous ces métiers, bien souvent, à cinquante ans, on a le dos brisé.

Et idem pour l’énergie : le marché, ou la volonté ? Pendant des décennies, et sans souci, le tarif de l’électricité était réglementé. Mais voilà que l’Europe, et Sarkozy, et Hollande, et Macron, y ont introduit le « marché », et ça donne quoi ? Des cours qui bondissent, des factures qui explosent, pour les ménages mais aussi les mairies.

Extrait d’un article de François Ruffin dans le journal Fakir de septembre 2022.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *