Öcalan et la future société kurde

Par la force des choses, Öcalan l’enfermé est passé d’un rôle de dirigeant à celui d’inspirateur, appuyant intellectuellement la mutation du PKK d’une organisation de lutte armée en un mouvement de masse, ainsi que la conversion d’une idéologie de libération nationale à une praxis de la démocratie radicale.
Depuis une dizaine d’années, Öcalan s’est imprégné entre autres des théories de l’Américain Murray Bookchin sur le communalisme libertaire, au point de se revendiquer comme son disciple à la mort de ce dernier en 2006. Ce système ne raisonne pas en termes de dictature du prolétariat mais repose sur la démocratie directe. Il est censé s’exercer depuis la commune en fonction des besoins sociaux et environnementaux de celle-ci, et aux moyens d’une industrie raisonnée, d’un urbanisme contrôlé, d’une agriculture biologique et de coopératives économiques.

Du 3 au 5 avril dernier s’est tenu à l’université de Hambourg un colloque-marathon, sous le patronage symbolique d’Öcalan, qui entérinait ce virage idéologique en prenant pour thème Défier la modernité capitaliste, construire le confédéralisme démocratique. Traduit simultanément en anglais, allemand, turc, kurde, espagnol et italien, il réunissait à la fois des acteurs du mouvement kurde, des activistes internationaux (Indiens, Grecs, Sud-Africains, etc.) et des intellectuels anticapitalistes en vogue comme David Harvey, John Holloway, David Graeber ou Janet Biehl, la légataire de Bookchin.
De même, on peut observer que les livres en turc de Jacques Rancière, Judith Butler, Noam Chomsky, Franz Fanon, Antonio Gramski, Hannah Arendt, Rosa Luxemburg ou encore Dieu et l’État, le classique de Bakounine, tiennent une bonne place dans les rayons de sociologie occidentale de la librairie du mouvement à Diyarbakir.

Extrait d’un article de Mathieu Léonard dans le journal CQFD de mai 2015.

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