Nucléaire et rupture culturelle

La thèse de l’arrêt immédiat du nucléaire est simple. On part du postulat que le nucléaire est une catastrophe. Quand un immeuble brûle, on ne se demande pas si l’on aura des
logements pour reloger les sinistrés, on les évacue « immédiatement ». Pourtant, les antinucléaires ont longtemps mis en avant le renouvelable (fort long à mettre en œuvre et inadapté à une société
industrielle) pour arrêter le nucléaire, envoyant ainsi le message qu’il n’était pas si dangereux que cela puisqu’on avait le temps.

Cependant, que ce soit dans le nucléaire civil ou militaire, les nombreux accidents ont les nombreux accidents ont prouvé combien le nucléaire est une industrie incontrôlable et aux effets dévastateurs. Thernobyl aurait généré un million de victimes, les essais de la bombe atomique plusieurs millions, mais à cela il faut rajouter les territoires rendus inhabitables dont la superficie n’a cessé d’augmenter.
Le tout avec la bénédiction d’une normalisation qui a toujours préféré défendre la santé d’une industrie plutôt que celle des populations. Après avoir baissé durant des années, après l’accident de Tchernobyl, les normes minimales « acceptables » n’ont cessé d’augmenter afin d’obliger les populations à vivre avec la contamination radioactive.

Ceci posé, surgit la question sur les alternatives à l’électronucléaire. Il existe au moins deux possibilités, soit reprendre tout ce qui existe au moment de la décision, et actuellement le
renouvelable et le thermique, soit être prêt à une rupture culturelle et ne recourir qu’au renouvelable.
Ne s’appuyer que sur le renouvelable existant reviendrait à accepter de se contenter de cinq fois moins d’électricité avec six fois moins de capacité. Chose impensable aujourd’hui.
Cela étant, l’évolution de la destruction de la société et de la biosphère a atteint un tel degré que de plus en plus de gens sont convaincus que nous sommes face à un effondrement, nécessitant
une véritable rupture culturelle.

En ce qui concerne la première option, peu de gens savent que les centrales thermiques au gaz sont sous-utilisées en France. Il suffirait de porter leur taux d’utilisation au maximum pour, avec
le renouvelable, pouvoir arrêter immédiatement deux tiers du parc. Pour le reste, les importations favorisées par la mise en place de fortes puissances d’interconnexions transfrontalières ainsi que les groupes électrogènes installés sur l’ensemble du territoire devraient suffire.

Mais quid des gaz à effet de serre ? Le nucléaire dans le monde, c’est 2 % de la consommation finale d’énergie, c’est-à-dire rien. Dans ces conditions, l’enjeu n’est pas de savoir par quoi le remplacer mais de l’arrêter. Non seulement on peut arrêter la catastrophe nucléaire (une de moins !), mais on met le doigt sur les véritables causes des gaz à effet de serre : elles ne sont pas essentiellement techniques mais culturelles et politiques.
Elles se trouvent dans le pétrole et son monde, dans le déferlement d’engins motorisés, dans une société industrielle de production et de croissance où il faut produire à tout prix, tout et n’importe quoi poussé par la concurrence.

Or beaucoup d’écologistes oublient ces faits, cédant aux sirènes du développement durable et du « verdissement » et mettant en avant le renouvelable, persuadés que l’enjeu est essentiellement technique. Ils oublient que le remède aux dégâts générés par la technique n’est pas technique et que la solution pour sauver le climat se trouve dans une organisation sociale structurée autour de la sobriété, mais il est vrai que la société industrielle se défend, utilisant des voies détournées et qu’elle a toujours essayé de faire passer pour « écolo » ses pollutions.

Article de Jean-Luc Pasquinet dans L’Écologiste de mars – mai 2020.

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