Notre rapport à la nature

Je ne vous cacherai pas que je suis très déprimé… Si nous ne repensons pas radicalement notre rapport à la nature et aux animaux, nous entrerons dans une ère de confinement chronique qui nous coûtera très cher humainement et économiquement. » Malik Peiris, virologue sri-lankais, résume à lui seul le sentiment de la soixantaine d’universitaires que la journaliste Marie-Monique Robin a interviewés pour son dernier livre, La Fabrique des pandémies. L’auteure d’une
palanquée d’excellents ouvrages et documentaires s’est coltinée un maximum d’entretiens pour tenter de comprendre ce qui nous est tombé dessus. Et, surprise : aucun des scientifiques ne l’était, surpris.

En revenant sur la genèse d’autres maladies (Ebola, VIH, Sars), sur des études déjà publiées et des travaux en cours, l’enquête de la journaliste pointe les conséquences désastreuses de la destruction des forêts et de la biodiversité, ainsi que le rôle des monocultures et de l’élevage
intensif. Et rappelle que les causes des nouvelles grandes maladies infectieuses sont anthropiques.

Une chose est sûre : la destruction des écosystèmes provoque une multiplication des contacts entre animaux sauvages et humains, entraînant la disparition d’espèces animales qui jouaient jusqu’alors le rôle de tampons. Dans le même temps, des scientifiques ont prouvé que l’exposition à
une biodiversité riche renforce nos systèmes immunitaires. Quant à la possibilité d’une sortie du marasme, le dernier chapitre du livre donne la parole à des chercheurs qui ont étudié des comportements humains et animaux afin de montrer qu’une autre conception de la nature est possible. Elle passe notamment par une approche scientifique davantage transdisciplinaire ; et une attention plus fine aux enseignements de cultures non occidentales.

On retrouve les mêmes constats dans La chauve-souris et le capital d’Andreas Malm : « La déforestation n’est pas seulement un moteur de la perte de biodiversité, c’est aussi un facteur direct de débordement zoonotique », soit de maladies qui se transmettent entre l’humain et l’animal. Le géographe, marxiste revendiqué, charge le capitalisme : le commerce des animaux sauvages, l’explosion du trafic aérien, le réchauffement climatique sont selon lui responsables des crises.
Prenons l’exemple de la chauve-souris : réservoir naturel de virus comme le Covid-19, certaines vivent dans des forêts tropicales et entrent en contact avec les humains quand leur habitat est détruit. Autre élément d’importance, le trafic d’animaux sauvages, là encore motivé par une course aux profits.
L’auteur suédois souligne l’absurdité des solutions envisagées par certains, qui décident de détruire les foyers de vie de ces animaux considérés comme responsables. Las, « éradiquer les chauves-souris ne ferait que contribuer encore davantage à la perte de biodiversité, puisqu’elles jouent un rôle crucial dans la pollinisation des plantes, la dispersion de leurs graines et le contrôle de la population des insectes nuisibles ».

Extrait d’un article de Margaux Wartelle dans le mensuel CQFD de mai 2021.

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