Mépris pour les polynésiens

Les premiers essais nucléaires étaient atmosphériques, « sur barge ». C’étaient les plus polluants parce que carrément sur la mer. Après, ils ont fait les essais « ballons », toujours atmosphériques (46 essais de 1966 à 1974). Le problème, c’est que dans le Pacifique, il y a eu des réactions. Les Néo-Zélandais ont enregistré les secousses alors qu’on ne nous disait rien! C’est la radio indépendantiste qui recevait les infos de Nouvelle-Zélande: « Il y a eu un essai à telle heure, tel jour, à Moruroa ».
À partir de là, les indépendantistes se sont organisés pour s’y opposer, ainsi que des gens qui réfléchissent un peu. Une arme nucléaire, c’est pas tellement fait pour nourrir les petits enfants polynésiens, hein…
Alors ils ont dû arrêter les essais atmosphériques en 1974 pour des essais souterrains. En tout, il y en a eu 193 durant 30 ans: le 2 juillet 1966, la première bombe, et le 27 janvier 1996, la dernière.

Malheureusement, ce tout premier essai de 1966 fut une catastrophe. Avec la montée des nuages radioactifs et le vent, il y a eu des retombées dramatiques sur l’île de Mangareva, située pourtant à 400 km de Moruroa… Et le plus grave, c’est qu’avant les essais, les militaires se disaient qu’il fallait peut-être évacuer les populations de certaines îles susceptibles d’être touchées. Ces rapports-là, nous les avons lus.
Au niveau le plus haut à la Défense, ils ont décidé qu’il en était hors de question car ça poserait des problèmes politiques et psychologiques. (…) Dans tous les cas, les retombées radioactives auraient tout de même pollué les maisons, les plantations. Ça a été le cas.

Ce 2 juillet 1966, une grande fête devait s’organiser à Mangareva avec les gradés de la Défense, les officiels. Le premier essai a eu lieu à 5 h 30 du matin. Et puis, vers 11 h, on signale une retombée qui se dirige vers Mangareva. Ah, la saloperie ! Officiels et gradés se sont barrés ! Et la population était là, toute la population qui avait préparé la nourriture, qui attendait les invités d’honneur… Le festin prêt, les invités n’arrivent pas, ils ont changé de restaurant (rires) : ils ont repris 1’avion pour Papeete. Ça, c’est vraiment dégueulasse.

Quelques jours après, les militaires viennent faire des contrôles à Mangareva, qui était une base arrière où la population était assignée à planter des légumes pour les ravitailler :tout est empoisonné. Là-bas, il n’y a pas de source, les gens recueillent l’eau de pluie. Les nouveau-nés la buvaient dans leur biberon alors qu’elle était complètement contaminée. Ça, c’est le tout premier essai. Donc imagine les retombées qu’il y a eu pendant les 45 suivants…

Extrait de propos recueillis par Daniel Paris-Clavel dans le journal CQFD de mars 2016.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *