Marché mondial et libéral alimentaire

Plus généralement, la fin des énergies fossiles abondantes et bon marché représente une menace très sérieuse pour le modèle agro-industriel. Celui-ci en dépend a tous les niveaux. Les tensions actuelles sur l’approvisionnement en engrais azotés de synthèse suite à l’envolée du prix du gaz fossile illustrent bien cette vulnérabilité. Le principal risque pour notre sécurité alimentaire future serait de ne pas tenir compte des limites physiques auxquelles fait face le modèle dominant et d’essayer de le maintenir en place coûte que coûte sous couvert de garantir la sécurité alimentaire de régions moins productives.
Or, l`insécurité alimentaire est avant tout un problème de précarité et non de production agricole insuffisante. C’est le cas en France – où un quart de la population se restreint dans ses achats alimentaires pour des raisons financières – comme ailleurs. L’Inde par
exemple est à la fois le premier exportateur de riz et le pays avec le plus grand nombre de personnes sous-alimentées.

D’après la FAO, la disponibilité alimentaire actuelle à l’échelle mondiale permettrait de nourrir 9,8 milliards d’humains. On pourrait nourrir encore bien plus de personnes si on utilisait directement pour l’alimentation humaine les surfaces en céréales et autres cultures actuellement destinées aux animaux d’élevage.

Le commerce de matières agricoles est généralement présenté comme un élément clé de la sécurité alimentaire.
C’est vrai dans le sens ou il permet de subvenir aux besoins d’une région en cas de crise climatique, sociale ou politique, ou de combler les manques de territoires nettement déficitaires. Mais à l’échelle mondiale, la libéralisation des échanges a pour principale conséquence de mettre en concurrence les petits producteurs des pays dits du Sud avec les agriculteurs subventionnés des pays industrialisés, dont la productivité est 100 à 1 O00 fois supérieure. Il s’agit d’une cause majeure d’appauvrissement de la paysannerie et d’insécurité alimentaire chronique. Cela conduit à terme à affaiblir les capacités de production des pays importateurs et rend leur population très vulnérable à une hausse des cours mondiaux.

S’il est nécessaire d’apporter des réponses d’urgence aux situations de crise, elles ne doivent pas masquer les problèmes structurels qui contribuent à l’insécurité alimentaire. La priorité est de créer les conditions pour que les différentes régions du monde se nourrissent elles-mêmes : accès équitable au foncier, développement des systèmes de production agroécologiques diversifiés et économes en intrants, protection des producteurs face à la concurrence déloyale. Lorsque la production agricole est localement insuffisante, les surplus des autres régions viennent alors compléter les besoins, à condition qu’ils ne soient pas détournés vers l’alimentation animale.

Extrait d’un article des Greniers d’abondance dans le journal La Décroissance de mai 2022.

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