LVMH, Bernard Arnault et la justice

En 2019, le journal Fakir et François Ruffin s’étaient portés parties civiles contre le groupe LVMH pour avoir infiltré la rédaction du journal, et mis son ancien directeur sous surveillance. Grâce à une négociation discrètement menée, LVMH ressort sans dommage de cette sombre histoire.

Mi-décembre, LVMH signait une Convention judiciaire d’intérét public (CJIP) avec le procureur de Paris, lui permettant d’éviter tout procès et toute reconnaissance de culpabilité, en échange d’une amende de 10 millions d’euros. Selon François Ruffin, la juge ayant avalisé cette convention a motivé sa décision par le fait que cette convention « représente une solution rapide et efficace faisant rentrer de l’argent dans les caisses de l’Etat ».

Ces propos illustrent d’abord le manque de moyens de la justice française, qui en est réduite à accepter des marchandages d’apothicaires, plutôt que d’instruire sérieusement ses dossiers. Ils montrent également que la justice devient de plus en plus inéquitable, en fonction des accusés, en permettant à quelques privilégiés de s’absoudre ainsi de culpabilité. Bien que des personnes physiques restent mises en examen dans cette affaire, le groupe LVMH ne pourra plus être poursuivi en échange d’une somme, qui à son échelle, semble dérisoire.

Or, LVMH, propriété du milliardaire Bernard Arnault, est régulièrement pointée du doigt pour ses pratiques fiscales douteuses, qui limitent les ressources de l’État, et donc des services judiciaires. Ainsi, 305 filiales de LVMH se situent dans des paradis fiscaux (soit 27 %, le plus fort taux du CAC 40) dont 24 au Luxembourg. La Cour des comptes a montré comment Bernard Arnault et LVMH utilisent la fondation Louis Vuitton comme un outil d’optimisation fiscale leur ayant permis d’économiser 518 millions d’euros d’impôts.
Enfin, en 2021, le scandale OpenLux a révélé que Bernard Arnault possède 31 sociétés au Luxembourg (en plus des 24 filiales de LVMH). Sur les 31 holdings identifiées par Le Monde, à peine trois ont une activité identifiable. Quelque 634 millions d’euros de participations ne sont pas traçables à partir des comptes de ses sociétés.

Pour faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État, il semblerait donc pertinent de s’intéresser sérieusement à LVMH, champion français de cette compétition qui mine nos services publics et les fondements de notre démocratie.

Article de Pierre Grimaud dans Lignes d’attac de janvier 2022.

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