L’État providence pour les entreprises

Sur un portail créé par la Chambre de métiers et de l’artisanat, on peut lire début janvier 2023 qu’il existe en France de l’ordre de 2 000 aides publiques aux entreprises ! Tout y passe : exonérations et abattements fiscaux, apports en capital, subventions à l’installation, à l’investissement, etc. […]

Face au nombre et à la grande diversité des aides, qui peut retrouver son chemin dans ce maquis ? Sûrement pas les petites et moyennes entreprises (PME). « C’est un sac de nœuds !, s’exc1ame Bénédicte Caron, vice- résidente de la CPME […]

C’est la raison pour laquelle une petite recherche sur Internet fait ressortir tout un florilège de cabinets de conseil prêts à aider le patron en détresse. […]

Mais, selon Bénédicte Caron, « c’est très peu fait. Ce n’est pas dans la mentalité d’un chef d’entreprise de se faire aider ». Tous ne partagent pas ce point de vue, à l’image de ce dirigeant de PME, qui préfère rester anonyme. Il a déjà fait appel plusieurs fois à ce genre de cabinets. « Ils font 80 % du boulot administratif ce que nous n’aurions jamais pu faire en interne », explique-t-il. Autre avantage, « ils savent les dossiers qui peuvent passer et ceux qui ne peuvent pas passer. Il y en a même qui vous expliquent comment faire en sorte que des dépenses non éligibles à une aide le deviennent ». […]

En 2007, un rapport public a évalué le total des aides à 65 milliards d’euros. Puis un rapport de 2013 de l’Inspection générale des finances a avancé un montant de 110 milliards, avant que Gérald Darmanin, alors ministre des Comptes publics, les situe, en 2018, à 140 milliards. […]

Leur calcul correspond aux dépenses budgétaires en faveur des entreprises, aux baisses de cotisations sociales octroyées et aux dérogations fiscales, les fameuses « niches fiscales », avec deux possibilités, soit en ne prenant en compte que les niches actives ou bien en ajoutant les niches « déclassées », celles qui ont fini par être intégrées dans le droit commun et ont disparu de la liste des avantages dérogatoires.
Une fois ce travail effectué, le rapport livre plusieurs enseignements. D’abord, le montant exorbitant des aides reçues par les entreprises (157 milliards d’euros en 2019) : l’équivalent de 6,4 % du PIB (8,5 % si l’on ajoute les niches déclassées) ou encore de plus de 30 % du budget de l’État (41 % avec les déclassées) ! Ces transferts de richesse publique aux entreprises n’ont cessé de progresser : ils représentaient l’équivalent de 2,4 % du PIB en 1979 (2,6 % avec les niches déclassées). Les aides ont commencé à fortement s`accroître à partir du début des années 2000, puis après la crise de la zone euro au début des années 2010. La pandémie et la guerre en Ukraine ont encore fait grimper les montants. Pour Maxime Combes, on assiste au développement d’un « corporate welfare », d’un État-providence pour les entreprises : « La nature de la dépense publique se transforme : on rabote l’accès aux prestations sociales et aux services publics des ménages, d’un côté, et on étend l’intervention publique en faveur des entreprises, de l’autre. »

Extraits d’un article de Christian Chavagneux dans Alternatives économiques de février 2023.

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