L’effondrement et le capitalisme

La « crise » systémique dans laquelle la planète est durablement engagée a des effets catastrophiques de toutes sortes, depuis les dégâts environnementaux irréversibles jusqu`aux conflits armés sans autre issue que le chaos perpétuel ou l’ordre totalitaire, en passant par la dégradation ou l’aggravation des conditions d’existence des populations.
L’observation de l’état actuel des choses, dans les pays les plus « développés », comme dans les moins, n’incite guère à l’optimisme, c’est le moins qu’on puisse dire. Tout porte à craindre que nous ne soyons entrés dans un processus d’effondrement, une sorte
d’implosion lente (accélérée et généralisée par effet domino) de toutes les structures objectives et subjectives qui ont permis jusqu’ici au système capitaliste-productiviste de se stabiliser et de fonctionner avec une adhésion suffisante des populations concernées.

On peut prévoir – avec d’autant plus d’assurance que les prodromes de cette évolution sont de plus en plus observables un peu partout – qu’un tel effondrement aboutira à l’installation de régimes de droite plus ou moins ouvertement dictatoriaux, fascisants et xénophobes, chargés de maintenir de façon autoritaire l’ordre dont le système capitaliste a besoin pour continuer à préserver les intérêts et les privilèges des classes dominantes-possédantes, sous couvert de mesures de sauvetage (anti-crise, anti-terrorisme, anti-gaspillage, austérité, etc.).
Ni le chaos, ni le crime n’ont jamais fait renoncer le grand Capital, sa bourgeoisie milliardaire, ses multinationales et ses banques, à ce qui est leur seul objectif : maintenir au plus haut le rendement des fabuleux capitaux investis. Le Capital en effet ne lâche rien qu’il n’y soit contraint, et en l’absence de forces organisées capables de lui opposer une résistance sérieuse, il prendra prétexte des désordres que son exploitation insensée du genre humain et de la planète aura elle-même engendrés, pour balayer le semblant de démocratie existant ici ou là et intensifier encore l’exploitation des ressources matérielles et humaines, car c’est là le seul moyen et la seule fin du système capitaliste.
Il ne peut en changer sans perdre sa raison d’être.
Pendant toute son histoire, le capitalisme a obéi à cette logique fondamentale de reproduction élargie. D’où une fuite en avant qui a duré quelques siècles au nom du « progrès », le temps de permettre aux puissances occidentales de s’emparer de la planète entière en exportant toujours un peu plus loin leur mode de fonctionnement, leurs produits manufacturés et leurs mœurs politiques, frauduleusement qualifiées de « démocratiques ». La capacité d’innovation inhérente au développement industriel a longtemps fasciné – et fascine encore – les populations de la Terre, en faisant malheureusement sous-estimer, voire ignorer, le coût monstrueux de ce « progrès » qui n’a jamais profité à tout le monde, contrairement aux allégations des libéraux, loin s’en faut, mais seulement à des minorités dominatrices, impérialistes et privilégiées.
Du fait de sa nature irrémédiablement déséquilibrée et de l’indépassable contradiction capital vs. travail, le capitalisme n’a cessé d’aller de crise en crise. L’une des plus graves a été celle des années 1930 qui a débouché sur le nationalisme fasciste et la
Deuxième Guerre mondiale. La victoire des Alliés, en mettant le « monde libre » à la remorque des États-Unis d’Amérique et en l’engageant sans délai dans la guerre froide, a épargné au capitalisme mondial tout examen de conscience sincère et toute remise en question.

Début d’un article d’Alain Accardo dans le journal La Décroissance d’octobre 2022.

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