Le pape fustige l’économie qui tue

Devant un auditoire dense réuni au parc des expositions de Santa Cruz, la capitale économique de la Bolivie, un homme en blanc fustige l’économie qui tue, le capital érigé en idole, l’ambition sans retenue de l’argent qui commande. Ce 9 juillet, le chef de l’Église catholique s’adresse non seulement aux représentants de mouvements populaires et à l’Amérique latine, qui l’a vu naître, mais au monde, qu’il veut mobiliser pour mettre fin à cette dictature subtile aux relents de fumier du diable.

Nous avons besoin d’un changement, proclame le pape François, avant d’inciter les jeunes, trois jours plus tard au Paraguay, à mettre le bazar. Dès 2013, au Brésil, il leur avait demandé d’être des révolutionnaires, d’aller à contre-courant. Au fil de ses voyages, l’évêque de Rome diffuse un discours de plus en plus musclé sur l’état du monde, sur sa dégradation environnementale et sociale, avec des mots très forts contre le néo-libéralisme, le technocentrisme, bref, contre un système aux effets délétères : uniformisation des cultures et mondialisation de l’indifférence.
[…]
Voici donc un pontif qui assure qu’un autre monde est possible, non pas au jour du Jugement dernier, mais ici-bas et maintenant. Ce pape superstar, dans la lignée médiatique de Jean Paul II (1978-2005), tranche et divise : canonisé par des figures écologistes et altermondialistes (Naomi Klein, Nicolas Hulot, Edgar Morin) pour avoir sacralisé l’enjeu écologique dans un désert de la pensée ; diabolisé par les ultra-libéraux et les climato-sceptiques, capable de faire de lui la personne la plus dangereuse sur la planète, comme l’a caricaturé un polémiste de la chaîne ultraconservatrice américaine Fox News.

Les droites chrétiennes s’inquiètent de voir un pape au discours gauchisant et si peu disert sur l’avortement. Et les éditorialistes de la gauche laïque s’interrogent sur la profondeur révolutionnaire de cet homme du Sud, premier pape non européen depuis le syrien Grégoire III (731-741), qui crie au scandale face au trafic des migrants, appelle à soutenir les Grecs en rejetant les plans d’austérité, nomme génocide un génocide (celui des Arméniens), signe un quasi-concordat avec l’État de Palestine, appuie son front, façon prière au mur des Lamentations, sur la barrière de séparation que les Israéliens imposent aux Palestiniens […]

Extrait d’un article de Jean-Michel Dumay dans Le Monde diplomatique de septembre 2015.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *