Judéocide

Le 24 avril, on commémorait en Israël la journée du judéocide nazi. Je rejette depuis toujours le concept de Shoah et lui préfère celui de judéocide. Shoah signifie, en hébreu, catastrophe, tout comme le mot arabe Nakba. Ni le judéocide nazi, ni le massacre des Arméniens ou des Tutsi, ni l’expulsion des Arabes de Palestine ne sont des catastrophes naturelles, tels un tsunami ou l’éruption d’un volcan. Il s’agit de crimes perpétrés par des êtres humains qui en portent donc la responsabilité.

Le judéocide nazi est l’expression extrême du racisme anti-juif, l’antisémitisme. Comme toute autre forme de racisme, il doit être totalement rejeté et farouchement combattu, quels qu’en soient les acteurs ou les motivations, y compris la bêtise ou l’ignorance. Ce qui n’est pas le cas du gouvernement israélien actuel et de certains de ses soutiens dans les médias français. Pour ceux-ci, comme l’écrivait il y a quelques années mon ami Sergio Yahni, directeur actuel du Centre d’information alternative de Jérusalem, il en est de l’antisémitisme comme du cholestérol : il y a un mauvais et un bon, nécessaire pour notre équilibre biologique.

Aux yeux de Nétanyahou ou de Lieberman, l’antisémitisme notoire de l’entourage proche de leur copain Trump n’est pas un vrai problème. Interrogé sur les déclarations négationnistes de Steve Bannon, que d’aucuns considèrent comme le plus proche conseiller du président étatsunien, Lieberman avait répondu par un clin d’œil complice. Imaginons un instant Barack Obama ou un de ses proches faire une déclaration négationniste : tout le lobby pro-israélien aurait été mobilisé pour lancer une procédure d’empeachment !

Mais Bannon ainsi que ses comparses du Altright et du KKK sont nos amis et l’antisémitisme de nos amis est le bon antisémitisme, qui mérite tout au plus un clin d’œil comme on en fait lorsqu’un gamin commet une petite bêtise…

Cette tolérance envers des positionnements antisémites de personnes considérées comme « nos amis » n’est pas nouvelle : cela a été le cas avec les généraux de la dictature argentine, envers Richard Nixon ou, plus récemment, envers certains dirigeants politiques d’extrême droite en Europe.

À l’opposé, toute critique de la politique israélienne sera taxée d’antisémite, voire de pro-nazie : souvenons-nous de la campagne menée entre 2001 et 2004 par les agences de propagande israéliennes et le Crif en France contre Daniel Mermet, Edgar Morin, notre copain Bob et bien d’autres progressistes irréprochables dans leur lutte antiraciste parce qu’ils avaient osé critiquer les massacres commis par l’armée israélienne lors de la reconquête des territoires occupés à partir de 2001 : aucun mot n’était trop fort pour les salir et leur coller à la peau cette tache infamante. Je le sais par expérience, c’est l’accusation d’antisémitisme qui leur était la plus intolérable, la seule qui leur était douloureuse.

Gardons la tête haute : nous – Daniel, Bob et son équipe, Edgar Morin, les militant.e.s français de la solidarité avec les Palestiniens dans les villes et les banlieues, et nous aussi, les anticolonialistes israéliens – n’avons jamais failli dans notre antiracisme, quelles qu’en soient les victimes. Ce n’est pas le cas de ceux qui ferment les yeux sur les « errements » de leurs amis, uniquement parce qu’ils sont les ennemis des musulmans.

Article de Michel Warschawski dans Siné mensuel de mai 2017.

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