Guerre d’Algérie

Après la guerre d’Algérie, après l’exil…

Si ma mère a refusé d’apprendre le français et la culture française en général, c’est aussi parce que, pour elle, ce que les français ont fait durant la colonisation et la guerre d’Algérie est impardonnable. Pour moi, la guerre d’Algérie ne commence pas en 1954, mais en 1830, au moment de la conquête, puisque l’Algérie n’a jamais été pacifiée durant toute cette période. Il y a eu un refus de la colonisation du début à la fin, qui a atteint son paroxysme à partir de 1954 avec ce qu’on appelle la « guerre d’Algérie ». Quand j’ai demandé à ma mère ; « Comment as-tu vécu le fait de venir en France en regard de tout cela ? », elle m’a répondu : « Oui, on les a mis dehors puis on les a suivis. Mais que veux-tu, on a suivi le pain ! »
On peut se demander ce que ça peut générer de mépris envers soi de s’installer dans le pays de l’ancien ennemi. En gardant sa langue, il me semble que ma mère s’est donné la possibilité de refuser une partie de l’Histoire, de son destin. Elle a été contrainte sur de nombreux plans, mais elle a refusé celle du français. Préservant ainsi un peu de sa dignité par rapport à la guerre d’Algérie.

Taire le silence, raconter l’Histoire autrement

Je crois que la manière dont on considère nos langues, c’est aussi la manière dont on considère nos histoires. Cela nous apaiserait tous, côté algérien et côté français, si l’État français acceptait de parler de la colonisation et de la guerre d’Algérie comme de crimes odieux en nommant très clairement les horreurs commises et en les reconnaissant comme telles : enfumades, déplacements de population, assassinats, spoliations, viols. Pendant la période coloniale, un tiers de la population algérienne a été tuée, 50 % de la population a quitté les campagnes, notamment à cause des expropriations.

On voit bien aujourd’hui comme il est impossible d’arriver à penser les représentations autrement. Si, dès la fin de la guerre, on avait mis ces mots-là sur cette histoire, nos parents auraient été accueillis autrement, à la fois comme des victimes et des résistants, avec de la bienveillance donc. Or, jamais dans nos livres de classe, on n’a vu accolés l’un à l’autre « Algériens et résistants ». Si cela avait été le cas, les imaginaires seraient moins imprégnés par le racisme et le mépris. Tout ça n’aurait pas abouti à créer des cultures légitimes et des cultures non légitimes, nobles et pas nobles, dominantes et dominées. Je pense que nous aurions été plus heureux. De même que la plupart des personnes qui ont quitté leur pays pour venir s’installer en France. Oui je pense que ça aurait changé beaucoup de choses pour nous tous, exilés et descendants d’exilés. Et je suis certaine que cela changerait aussi la manière dont on aborde cette « crise des réfugiés » comme on dit hypocritement.

Extrait d’un dossier « Mauvaises Langues » du journal CQFD de juillet-Août 2016

Un peu de lecture-culture intéressante sur Wikipedia : Histoire de l’Algérie.

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