Dépense publique et circuit du profit

La litanie est connue : la dépense publique représente plus de la moitié du PIB, « on travaille plus d’un jour sur deux pour l’État », sous-entendu pour rien. C’est vraiment prendre les gens pour des imbéciles. Car la majeure partie de ces dépenses finance
des consommations privées à travers de simples transferts (les prestations sociales versées aux ménages). L’autre partie finance des services publics (éducation, santé, justice, police…) qui représentent 18 % du PIB, un chiffre remarquablement stable depuis quarante ans malgré la croissance des besoins sociaux, ce qui explique la dégradation de ces services.

Ce qui irrite les libéraux, ce n’est pas que cette dépense soit publique (les masses de subventions déversées sur les entreprises le sont aussi), mais qu’elle finance des biens et des services non marchands, c’est-à-dire des activités qui échappent au circuit du profit. Avec le ralentissement durable de la croissance depuis quarante ans, c’est l’obsession du capitalisme : trouver de nouveaux débouchés. Marchandiser la santé, l’éducation, la protection sociale est un moyen de prolonger le système capitaliste à bout de souffle.

Pour cela, on agite le chiffon rouge du déficit et de la dette afin de délégitimer la dépense publique. Le déficit, comme on l’a déjà écrit ici, ne provient pas des comptes sociaux, qui ont toujours été peu ou prou équilibrés. Depuis soixante-dix ans, le solde cumulé à moyen terme (sur dix ans) des recettes et dépenses des administrations de sécurité sociale n’a été négatif qu’une seule fois, et encore pour un montant minime.
C’est essentiellement du côté de l’État qu’on observe un déficit. La dépense de l’État n’a pourtant pas augmenté, elle a même baissé depuis le milieu des années 1980. Mais les recettes ont été asséchées encore bien plus vite. En proportion du PIB, les recettes de l’État se sont effondrées depuis trente-cinq ans (- 25 %).
Sans cette baisse, ces recettes seraient aujourd’hui supérieures de plus de 100 milliards par an. Et les prélèvements seraient bien plus progressifs, car ce sont les catégories les plus aisées qui ont bénéficié de ces baisses d’impôt. Un redressement fiscal s’impose ici, par simple mesure d’équité.

Extrait d’un article de Pierre Concialdi dans Siné mensuel de janvier 2022.

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