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Politique Santé

La bataille de la sécu

La Révolution de 1789 va mettre à bas les anciennes solidarités de la société féodale et construire une nouvelle façon d’organiser les secours, de façon universelle et dont les bénéficiaires sont, au contraire de la charité, légalement définies.
Mais ces innovations sont encore limitées et restent aux mains de la classe bourgeoise dominante.
Dès les premières décennies du XIXème siècle la question de la santé de la classe ouvrière est construite comme un objet politique. Le libéralisme naissant a besoin d’ouvriers en pas trop mauvaise santé, mais les mesures à prendre ne sauraient entrer en confit avec les intérêts capitalistes. L’hygiénisme naissant cherche dans les conditions d’existence des ouvriers et ouvrières – qui sont réellement mauvaises et néfastes – les raisons de la santé dégradée de la classe laborieuse. Les conditions de travail ne sauraient être retenues comme cause explicative des maladies.
Deux modes de financement vont émerger : un système assurantiel (financé par le capital) et un système auto-organisé (financé par l’entraide). Ainsi, les sociétés de secours mutuel se développent rapidement et à la veille de la Révolution de 1848 on en compte 2 500 couvrant un ensemble de 270 000 membres.
Combattues durant la Restauration, entre 1825 et 1848, plus de 4 000 d’entre elles seront condamnées pour délit de coalition. Ces mutuelles sont à la fois des organisations offrant des secours que ne gèrent pas l’État, mais également des lieux politiques de formation qui diffusent les idées démocratiques.
La bourgeoisie ayant à nouveau fait appel au peuple en 1848, et dans la crainte que n’émergent trop fortement une opinion favorable à la mise en place d’un système généralisé de prévoyance pour la santé, la retraite et le chômage, ces sociétés de secours seront finalement légalisées en juillet 1850 mais en les encadrant fortement. En 1852 le décret légalisant la mutualité pris par Napoléon III est un pas supplémentaire vers l’intégration à l’ordre social de ces mutuelles qui restent « des lieux de socialisation ouvrière potentiellement subversives où se pensent la transformation sociale par l’auto-organisation ».
L’État s’approprie ainsi « la critique sociale pour se prémunir du changement ».

Il en sera de même de la réappropriation de la Sécurité sociale, elle aussi née dans l’auto-organisation ouvrière et réintégrée à la doctrine de l’État social dans une « une volonté consciente et relativement stable de cibler les bénéficiaires des prestations et de laisser le capital se déployer au détriment de la production publique ».
Ainsi l’État social, selon Nicolas Da Silva, n’est pas un horizon souhaitable mais plutôt un empêchement à la pleine réalisation de l’émancipation des classes populaires. S’y soumettre serait se soumettre à des intérêts qui ne sont pas les nôtres.

Extrait d’une recension de l’ouvrage La bataille de la sécu, une histoire du système de santé dans Alternative Libertaire d’avril 2023.

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Politique Santé

Drogues, le gaspillage de l’argent des contribuables

Notre ministre de l’intérieur qui, dans le domaine de la lutte contre les toxicomanies, propose des recettes des années 1980, a été fort choqué par l’affaíre Palmade. Pour Gérald Darmanin, la drogue, jusqu’à présent, c’était le cannabis. Plutôt que de réfléchir aux solutions qui fonctionnent dans les pays comparables au nôtre, il a misé sur la répression des dealers et des consommateurs. Tous les professionnels, y compris dans les rangs de la police, constatent que, depuis dix ans, les jeunes se tournent vers des drogues plus dangereuses, plus addictives et pour lesquelles les circuits de distribution sont infiniment plus complexes que le revendeur en bas de l’immeuble.

Mais notre Darmanin national s’obstine, c’en est presque émouvant. Soudain, là, après le mauvais sketch de Pierre Palmade, il prend conscience qu’il faudrait peut-être s’occuper de la cocaïne et des excitants chimiques. Il décrète alors que des tests de détection de drogues vont être exercés sur les conducteurs en même temps que ceux d’alcoolémie. Bien, bien ! Mais comme d’habitude dans ce gouvernement d’amateurs, !e bonhomme oublie que pour qu’une consommation de produit stupéfiant soit illégale, il faut que le produit détecté soit répertorié. Or, manque de pot à tabac, si le THC ou les principes actifs de l’héroïne et de la coke sont dûment recensés, chaque jour, un petit chimiste sort une nouvelle came de synthèse de son atelier ou sa cuisine. On en recense plus de 900 à ce jour et la liste ne sera jamais close. Comment expliquer à M. Darmanin que pendant qu’il se focalisait sur l’usage du cannabis, qui d’ailleurs devient de moins en moins attractif pour la jeunesse, d’autres modes de toxicomanie dits « festifs » voyaient le jour.
Devenues populaires dans les raves des années 1990, ces drogues destinées plutôt à tenir réveillé qu’à abrutir le consommateur sont sorties progressivement du cadre de la fête pour s’imposer dans les soirées ordinaires, au boulot ou pour pimenter les relations sexuelles. Bien sûr, elles échappent la plupart du temps aux contrôles, la police ayant une attirance spéciale pour la banlieue et ses dealers à capuche. Le reste du monde de la dope peut danser tranquille.
La composition de ces mélanges artisanaux évoluant au gré de l’imagination des apprentis chimistes, la police est démunie et l’on se rend compte mais un peu tard que jamais la répression n’a suffi à endiguer les phénomènes de toxicomanies que tout ce fric dépensé, toute cette police mobilisée, ces juges saisis, ces cours de justice encombrées le sont en pure perte et que l’on aurait dû miser sur la prévention, comme on l’a fait pour le tabac, dont fa consommation diminue. Mais peur cela, il faudrait un gouvernement qui pense à l’efficacité plutôt qu’à la démonstration de force pour prouver à la droite et à l’extrême droite à quel point il n’est pas laxiste.

Article d’Étienne Liebig dans Siné mensuel d’avril 2023.

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Environnement Santé

Agriculture productiviste et état des terres agricoles en France

: Le rapport sur l’état des terres agricoles en France, publié par Terre de liens en février 2022, nous enseigne que depuis 70 ans, nous avons perdu 12 millions d’hectares agricoles sur les 39 millions que nous comptions à la sortie de la Deuxième Guerre mondiale.
Pour donner une image plus saisissante, « c’est une surface équivalente à plus de cinq villes comme Paris qui, chaque année et depuis 40 ans, perd ses fonctions agricoles et environnementales ».
C’est la capacité à nourrir une ville comme Le Havre que l’on perd chaque année.
Alors que le nombre d’agriculteurs a chuté : il reste moins de 400 000 fermes contre 2,28 millions en 1955. Nous perdons entre 150 et 200 fermes par semaine.

L’agriculture productiviste est victime d’un système que nous avons cru vertueux et salvateur à la sortie de la Seconde Guerre mondiale.
Après la mécanisation, la deuxième révolution agricole, celle de la chimie, s’est finalement révélée catastrophique car elle est mortifère pour une faune qui n’est pas visible, celle des sols. Il ne fait pas bon être un ver de terre, un collembole ou tout autre membre de la pédofaune exterminé par les pesticides.
Certes, les rendements ont augmenté mais de manière inversement proportionnelle à la qualité des aliments produits. Manger cinq fruits et légumes par jour issus de l’agriculture chimique est un slogan discutable dans la mesure où c’est également ingérer des dizaines de
molécules de synthèse et très peu de minéraux dont la valeur nutritive est essentielle à notre santé.
Dans tous les pays de la planète, la sécurité alimentaire est menacée à cause de l’épuisement des sols.

[…]

Est il possible d’arrêter ce processus d’artificialisation des terres agricoles sans s’en prendre à la logique d’expansion économique ?
C’est tout le problème de nos sociétés « développées », elles mettent en avant l’économie avec des paramètres comme le PIB, l’emploi, etc., qui passent bien avant l’intérêt général, dont l’environnement et l’alimentation sont des fondamentaux. Il faut changer de paradigme, prendre celui du bons sens paysan plutôt que celui du profit qui nous mène droit dans le mur. Bien sûr qu’il faudra limiter l’artificialisation des sols agricoles car il s’agit de notre autonomie alimentaire, c’est donc vital. En reprenant les chiffres du rapport de Terre de liens, on comprend qu’à ce rythme d’artificialisation, nous perdrons notre autonomie alimentaire d’ici quelques décennies. Celle des grandes aires urbaines françaises n’est que de 2 %. Historiquement, lorsque les populations avaient faim, elles manifestaient et les régimes en place tremblaient. Les émeutes de la faim d’après la crise de 2008 nous le rappellent. Nous avons besoin de toutes nos terres agricoles non seulement pour notre autonomie mais également pour nourrir une partie de la population mondiale. Sans compter l’impact environnemental de la spécialisation de l’agriculture dans la plupart des pays avec des monocultures dévastatrices pour la biodiversité, et l’impact social des traités de libre-échange qui fragilisent notre agriculture. Mais les décisions politiques à prendre ne sont pas entrées dans les consciences car la très grande majorité de la population est urbaine, déconnectée de la terre donc de la nourriture.

Extraits d’un entretien de Dominique Ducreau dans le journal La Décroissance de février 2023.

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Santé Société

Opioïdes, capitalisme et philanthropie

La « crise des opioïdes », qui perdure aujourd’hui, a provoqué des centaines de milliers de morts par overdose depuis la mise sur le marché de l’OxyContin, puissant opiacé antidouleur qui a rendu dépendants des millions de patients aux États-Unis. Journaliste au prestigieux New Yorker, déjà auteur d’une longue enquête sur le conflit en Irlande du Nord entre les communautés catholiques et protestantes-unionistes depuis la fin des années 1960, Patrick Radden Keefe a travaillé des années durant sur l’ascension sociale fulgurante de la très riche et très discrète famille Sackler, propriétaire du laboratoire Purdue, qui a commercialisé l’OxyContin au mitan des années 1990. Il reconstitue la success story de ce clan qui, présent dans la liste du magazine Forbes des vingt familles les plus riches des États-Unis – avec une fortune estimée à quelque 14 milliards de dollars -, n’apparaît jamais comme partie prenante de l’industrie du « Big Pharma ». Ses membres se présentent plutôt comme de simples mécènes de laboratoires de recherche biomédicale, de
prestigieuses universités et d’hôpitaux, et surtout de centres d’art, qui mettent leur prospérité au service des plus grands musées du monde…

Ces « philanthropes », aujourd’hui poursuivis en justice par des milliers de victimes, se sont enrichis avec ce médicament en dissimulant son caractère addictif, le présentant comme un véritable miracle contre la douleur. Les Sackler ont une attitude typique de tant d’ultra-riches aujourd’hui : dissimuler une activité hyper rémunératrice (et ses conséquences néfastes pour l’humanité) par des fondations, des dons, des financements dans des domaines comme l’art contemporain ou la recherche médicale.
[…]

On estime entre 50 000 et 75 000 par an, durant les années 1990, 2000 et 2010 aux États-Unis, les morts par surdose d’opioïdes de personnes devenues dépendantes après des prescriptions régulières.
La difficulté juridique qu’affrontent les défenseurs des victimes est qu’aujourd’hui la plupart de celles-ci ne décèdent pas ou plus par overdose d’OxyContin, mais d’autres opiacés, légaux ou non – notamment le Fentanyl. Elles sont pourtant devenues dépendantes avec l’OxyContin, un opiacé de synthèse que le laboratoire Purdue a commercialisé en dissimulant qu’il provoquait une dépendance. Il est prescrit à des patients souffrant de douleurs chroniques, comme des tendinites ou des maux de dos. Devenus dépendants, ceux-ci augmentent alors les doses et, souvent, passent à des substances comme l’héroïne, la codéine et surtout le Fentanyl. Cet autre opiacé de synthèse, très puissant et très addictif, est parfois prescrit, mais il fait surtout l’objet aux États-Unis d’un important trafic depuis le Mexique ou l’Asie.

Extraits d’un article d’Olivier Doubre dans Politis du 13 octobre 2022.

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Environnement Santé

L’enfumage des milliards de la PAC

Ursula Von Der Leyen martèle à l’envi que l’Union européenne (UE) vise l’exemplarité climatique. Cette ambition s’incarne entre autres dans la stratégie « De la ferme à la table » (2020). Cette communication de la Commission fourmille de propositions intéressantes, dont l’augmentation de la part des surfaces bio de 25%, la diminution de l’utilisation des engrais de 20% et la réduction de 50% de des pesticides à l’horizon 2030, constituent des mesures phares.
Seulement voilà, par essence, une communication n’a aucune force juridique contraignante, à l’instar des résolutions (non législatives) du Parlement européen. Leur enjeu principal : fixer les grandes orientations politiques, sans engagements formels.
En clair, ce sont principalement des outils de « com » auprès du grand public. Car, dans la réalité, la PAC telle qu’adoptée en décembre 2021 est la seule qui compte sur le plan juridique. Les propos lénifiants des instances européennes, selon lesquels la PAC s’est définitivement mise au vert, ne résistent pas à l’épreuve des faits. La législation et les moyens financiers alloués pour répondre aux objectifs fixés suintent le statu quo.

Ancrer la nouvelle PAC dans la transition écologique suppose, au préalable, de tirer les leçons de ses échecs. C’est l’exercice auquel s’est adonné la Cour des comptes européenne, dont la mission est d’assurer la bonne utilisation des deniers publics. Or, il se fait que ses rapports spéciaux sur la PAC s’apparentent à de véritables réquisitoires. L’un des derniers, Politique agricole et climat 2021, ne fait pas exception. Le grand écart entre les engagements sur papier, de plus en plus ambitieux, et l’émission réelle du secteur agricole y est dénoncé sans ambages.
Côté pile : 100 milliards d’euros ont été affectés pour l’action climatique dans le cadre de la PAC 2014 – 2020, dont la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) était un objectif phare ; une manne financière qui équivaut à 26% des financements de la PAC. Côté face : l’UE et ses États membres n’ont étrangement jamais chiffré l’objectif de réduction à atteindre. Sans surprise, les émissions de GES n’ont pas diminué.
[…]
Cerise sur le gâteau : le contrôle des mesures d’ « éco-conditionnalité » constitue un autre scud lancé par la Cour des comptes. En pratique, elles lient les paiements relevant de la PAC au respect d’un ensemble de règles qui visent à garantir de « bonnes conditions agricoles et environnementales » ainsi qu’un corpus de règles en matière d’environnement, de changement climatique, de santé publique et de bien-être animal, appelées « exigences réglementaires en matière de gestion ». Concrètement, cela signifie qu’en cas de non-respect de celles-ci, les bénéficiaires de la PAC s’exposent à une réduction de la subvention annuelle qui leur est accordée par l’UE. Dans les faits, seul 1% des agriculteurs est contrôlé. Du reste, en cas d’infraction, la sanction est peu dissuasive : l à 5% des aides peuvent être confisquées.

Extraits d’un article d’Inès Trépant dans L’Écologiste de août–octobre 2022.

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Santé

Vaccination indispensable, mais pas pour tout le monde…

Dès octobre 2020, l’Afrique du Sud, l’Inde et une centaine de pays en développement, faisant face à de grandes difficultés pour s’armer face à la pandémie du Covid-19, ont porté au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une demande de levée temporaire des barrières de propriété intellectuelle sur les produits médicaux nécessaires pour mettre fin à la pandémie de Covid-19, appelée « waiver ».
Depuis un an et demi les pays riches, Union européenne en tête, freinent les négociations pour protéger les intérêts des grands groupes pharmaceutiques. Le waiver est un moyen de lever les obstacles juridiques qui empêchent des producteurs de génériques de produire des vaccins. Ce qui aurait permis, entre autres, de casser leur prix artificiellement gonflés par Pfizer et Moderna, et in fine d’augmenter la production et la distribution de vaccins dans les pays en développement.
L’Union européenne a créé une diversion en proposant dans un premier temps une contre-proposition au waiver, un statu quo qui reformulait les dispositions sur les licences volontaires et obligatoires déjà précédemment prévues. Depuis, elle a soutenu un nouveau texte jugé par la société civile comme encore plus restrictif que la proposition initiale de l’Union européenne. Ce compromis est bien loin de la demande de waiver et ajoute des complexités aux dispositions déjà existantes sur les licences. Il se limite aux vaccins, exclut les autres produits médicaux tels que les traitements et les diagnostics, ne concerne pas l’ensemble des limites liées à la propriété intellectuelle tels que les droits d’auteurs, les dessins industriels et les données non divulguées liées aux technologies médicales. Le compromis introduit des clauses et des obligations supplémentaires pour les États qui souhaiteraient produire les vaccins, comme des limites d’exportation qui signifieraient qu’un vaccin produit en Afrique du Sud ne pourrait pas être exporté dans des pays voisins non-producteurs de vaccin, limitant ainsi la viabilité commerciale de potentiels producteurs africains.
Ces négociations sur le vaccin anti-Covid créent un triste précédent. Celui où, même après une pandémie ayant coûté la vie à plus de 20 millions de personnes et causé le plus fort regain d’extrême pauvreté depuis plus de 20 ans, les pays riches ont refusé d’entendre l’appel des pays en développement et ont fait primer les intérêts d’une poignée de milliardaires du vaccin, véritables profiteurs de la pandémie. Des régions entières sont toujours très peu vaccinées, exposant ainsi la planète à l’apparition de nouveaux variants potentiellement plus dangereux.

Article de Sandra Lhote Fernandes, responsable de plaidoyer santé chez Oxfam France, dans Lignes d’attac de juillet 2022.

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Économie Environnement Santé

Marché mondial et libéral alimentaire

Plus généralement, la fin des énergies fossiles abondantes et bon marché représente une menace très sérieuse pour le modèle agro-industriel. Celui-ci en dépend a tous les niveaux. Les tensions actuelles sur l’approvisionnement en engrais azotés de synthèse suite à l’envolée du prix du gaz fossile illustrent bien cette vulnérabilité. Le principal risque pour notre sécurité alimentaire future serait de ne pas tenir compte des limites physiques auxquelles fait face le modèle dominant et d’essayer de le maintenir en place coûte que coûte sous couvert de garantir la sécurité alimentaire de régions moins productives.
Or, l`insécurité alimentaire est avant tout un problème de précarité et non de production agricole insuffisante. C’est le cas en France – où un quart de la population se restreint dans ses achats alimentaires pour des raisons financières – comme ailleurs. L’Inde par
exemple est à la fois le premier exportateur de riz et le pays avec le plus grand nombre de personnes sous-alimentées.

D’après la FAO, la disponibilité alimentaire actuelle à l’échelle mondiale permettrait de nourrir 9,8 milliards d’humains. On pourrait nourrir encore bien plus de personnes si on utilisait directement pour l’alimentation humaine les surfaces en céréales et autres cultures actuellement destinées aux animaux d’élevage.

Le commerce de matières agricoles est généralement présenté comme un élément clé de la sécurité alimentaire.
C’est vrai dans le sens ou il permet de subvenir aux besoins d’une région en cas de crise climatique, sociale ou politique, ou de combler les manques de territoires nettement déficitaires. Mais à l’échelle mondiale, la libéralisation des échanges a pour principale conséquence de mettre en concurrence les petits producteurs des pays dits du Sud avec les agriculteurs subventionnés des pays industrialisés, dont la productivité est 100 à 1 O00 fois supérieure. Il s’agit d’une cause majeure d’appauvrissement de la paysannerie et d’insécurité alimentaire chronique. Cela conduit à terme à affaiblir les capacités de production des pays importateurs et rend leur population très vulnérable à une hausse des cours mondiaux.

S’il est nécessaire d’apporter des réponses d’urgence aux situations de crise, elles ne doivent pas masquer les problèmes structurels qui contribuent à l’insécurité alimentaire. La priorité est de créer les conditions pour que les différentes régions du monde se nourrissent elles-mêmes : accès équitable au foncier, développement des systèmes de production agroécologiques diversifiés et économes en intrants, protection des producteurs face à la concurrence déloyale. Lorsque la production agricole est localement insuffisante, les surplus des autres régions viennent alors compléter les besoins, à condition qu’ils ne soient pas détournés vers l’alimentation animale.

Extrait d’un article des Greniers d’abondance dans le journal La Décroissance de mai 2022.

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Consommation Économie Santé

Sécurité sociale alimentaire

A plus de 75 ans, la toujours fringante Sécurité sociale doit poursuivre son déploiement. Après la dépendance, certains prônent l’alimentation en sixième branche.
Et si le temps était venu pour une sécurité sociale de l’alimentation ?
Voyons comment ça marche. D’abord, il s’agit d’augmenter le Smic et les bas salaires par le versement sur une carte de « monnaie marquée », c’est à dire réservée à des organismes professionnels conventionnés (comme l’est la carte de Sécu avec les médecins ou les pharmaciens). Les producteurs, vendeurs ou restaurateurs sont sélectionnés par des caisses locales d’alimentation selon des critères de progrès humain. Les conventionnés sont ceux qui produisent bio, respectent le droit du travail, ne font pas appel au marché des capitaux – on en passe et des bien mûres.
Ensuite, un salaire à vie est versé à tous les travailleurs de la filière, comme dans la fonction publique.
« Il s’agit de sortir de la marge tous ceux qui aujourd’hui, de manière alternative, produisent et distribuent une nourriture de qualité libérée de la logique capitaliste », explique Bernard Friot, économiste et historien de la Sécurité sociale. Sa plaidoirie pour une extension au secteur alimentaire du régime général des soins mis en place au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le ministre communiste du Travail Ambroise Croizat circule comme jamais.
Le Réseau Salariat, association d’éducation populaire, en propose la version aboutie en concertation avec des mouvements citoyens, par exemple Alternatiba (les décrocheurs de portraits de Macron), et des militants comme Laura Peterseil et Kévin Certenais, auteurs de Régime général. Pour une sécurité sociale de l’alimentation (Riot éditions).
Il y a aussi avec eux des ingénieurs agronomes effrayés que leurs aînés aient pu laisser le champ libre pendant quarante ans à Monsanto – aujourd’hui contrôlé par Bayer – et autres cinglés du productivisme, responsables de l’épidémie de suicides de paysans pauvres et dépossédés de leur savoir-faire, responsables aussi de la condition effroyable des animaux dits de boucherie.
Le marché de la nourriture représente 250 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. Si on met 100 euros par personne et par mois sur la carte Alimentation (bien entendu inutilisable dans les grandes surfaces), c’est 80 milliards, soit un tiers du chiffre d’affaires de l’agrobusiness et de la fakefood ultra-transformée, qui n’iront plus aux multinationales et à leurs actionnaires.

Article d’Anne Crignon dans Siné mensuel de mai 2022.

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Médias Santé Société

Censure en démocratie

Ce n’était déjà pas simple avant, mais depuis l’apparition du Covid, il est devenu à peu près impossible d’émettre la moindre critique sur la vaccination, en général. L’interdiction de douter concerne bien tout ce qui touche de près ou de loin à la vaccination.
Exemple, avec le problème des adjuvants aluminiques : des scientifiques tout à fait sérieux soupçonnent que l’aluminium contenu dans certains vaccins puisse provoquer des troubles importants chez certaines personnes, en provoquant notamment une maladie appelée myofasciite à macrophages (Lire L’âdf n° 159). Les recherches en la matière avaient donné naissance à un documentaire tout aussi sérieux, intitulé L’aluminium, les vaccins et les 2 lapins. Mis en ligne sur le site de l’association d’entraide aux malades de myofasciite à macrophages (E3M), celui-ci a été tout bonnement supprimé par Youtube le 1er février 2022. Prétexte avancé par la plateforme : « Informations médicales incorrectes ». Nouveau gardien de la vérité, Youtube (détenu par Google) a ainsi supprimé en février plusieurs vidéos portant sur le sujet. La dernière en date est le documentaire Aluminium, notre poison quotidien, qui ne devait pourtant pas être totalement délirant, puisqu’il avait été diffusé sur France 5 en 2011. L’association E3M a engagé un référé contre Google.

Article paru dans l’âge de faire de mai 2022.

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Médias Santé

Censure covidienne

[…] il y avait des choses que je ne comprenais pas. Ni intellectuellement ni moralement. Pourquoi ne pas respecter le B.A BA des plans pour faire face à une épidémie : tester-isoler-soigner ? Pourquoi mettre hors jeu la médecine de ville ? Et tout faire reposer sur l’hôpital public en sachant l’état ou il est. On s’est privé de tous nos atouts !

 

Sébastien Boitel : Êtes-vous sorti de vos domaines de compétence  ?

 

Laurent Mucchielli : C’est ce qu’on dit pour me discréditer et ne pas discuter du fond. D’autant que mon expérience m’a aidé. Montrer comment on joue sur la peur, je le fais depuis 20 ans. Mettre en évidence les phénomènes de corruption aussi. Dans mon manuel de sociologie, je consacre un chapitre à la délinquance en col blanc. Notamment au sein de l’industrie pharmaceutique. Voilà pourquoi, avant même les vaccins, j’étais préparé. Et pour travailler, je me suis entouré d’une cinquantaine de personnes. Quant à l’intitulé de mon travail, il n’a pas bougé : Enquête sur la gestion politico-sanitaire de la crise du Covid. De la sociologie, pas de la virologie.

 

SB : D’où le terme « doxa »…

 

LM : Popularisé par Bourdieu, cela désigne à la fois le discours dominant et des dominants. Et indique que ce qui est raconté est une construction qui s’est imposée comme une pseudo-évidence. Grâce à un certain nombre de mécanismes.
D’abord la peur : avec ce virus, on va tous mourir ! Ensuite l’impuissance : on ne peut pas soigner. D’où le confinement. Seul moyen d’en sortir ? Le vaccin. Avec, tout au long, une normalisation éditoriale avec constitution d’un espace légitime de discussion. En rejetant tout ce qui contrevient au discours officiel dehors, dans cette catégorie fourre-tout de « complotisme ».
Et ce, grâce à l’alliance de fait entre plusieurs acteurs : l’industrie pharmaceutique dont le marketing devient message politique ; l’OMS dont le principal financeur est la fondation Bill Gates, soutien massif des vaccins ; les gouvernements ; les médias, de plus en plus dans la com’ et les Gafam avec des phénomènes de censure gravissimes.

 

SB : Quid de Mediapart qui a « dé-publié » un des billets de votre blog ?

 

LM : J’ai subi leur censure non pas une mais quatre fois. Pour des articles rédigés avec des médecins, des universitaires… Voilà pourquoi je fais mes adieux à un média qui dit défendre la liberté d’expression, les lanceurs d’alerte, les intellectuels critiques mais qui n’a jamais répondu à mes demandes. Et qui, dans cette crise, a raconté la même chose que les autres.

Extrait d’un entretien de Laurent Mucchielli dans le mensuel Le ravi de mars 2022.