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L'énergie en France

Efficacité comparée des différentes sources d’énergie

En 2023, le nucléaire mondial avec ses 370 GW de puissance (>400 réacteurs) représente 9,5 % de l’électricité consommée, soit moins de 2 % de l’ensemble des énergies finales (consommées) ; le nucléaire européen 22 % de l’électricité ; et le nucléaire
français 65 % avec ses 61 GW (16 % des énergies finales).
Côté éolien et solaire, nous vivons une révolution électrique silencieuse mondiale : 1000 GW de puissance solaire photovoltaïque ont été installés en 30 ans et c’est actuellement +1 GW/jour l Même +3 GW/j attendus en 2030 (équivalent de +1 réacteur nucléaire ajouté par jour). Les nouvelles puissances éoliennes à ajouter sont de +100 GW/an. Les esprits jancovicieux n’en reviendront pas ! Cette révolution n’est pas du côté nucléaire qui, lui, régresse au niveau mondial. En Europe, éolien et solaire représentent 24 % de l’électricité (17 % éolien + 8 % solaire) où le rythme actuel est de +16 GW/an d’éolien et +60 GW/an de solaire. En France, c’est environ +2 GW/an d’éolien et +2,5 GW/an de solaire.

Sachant que 2/3 de l’énergie primaire nucléaire contenue dans les cailloux d’uranium sont perdus en chaleur principalement dans l’atmosphère, nous sommes en droit de faire un comparatif énergétique de cette filière nucléaire qui bluffe en calculant son poids mondial, en énergie primaire et non en énergie finale, c’est-à-dire en ajoutant ses gaspillages (les fameux 2/3), ce qui est un summum d’ineptie (plus vous gaspillez plus vous avez du poids) !
Que ce soit en termes de Temps de Retour sur Énergie grise (TRE) ou de Temps de Retour Carbone (TRC), il est difficile de calculer de telles durées pour la filière nucléaire dont la gabegie d’énergie et de matériaux sur des siècles ne sera jamais connue (déchets durant des millénaires, accidents, bombe au plutonium…). Mais on le fait pour l’éolien et le solaire.
Le TRE éolien est de 0,5 an. Le TRC éolien (CO2 lié à la fabrication du ciment, de l’acier…) est inférieur à 4 ans (<2 ans si l’on considère que les matériaux des éoliennes déconstruites au bout de 30 ans éviteront grâce au recyclage l’extraction de fer, aluminium, cuivre, la fabrication d’acier…).
Côté solaire, le silicium (silice) avec lequel on fabrique les cellules solaires des panneaux est l’élément le plus abondant sur Terre. Dorénavant un foyer de 3 personnes n’a besoin que d’un petit volume de silicium (cube tenant dans une main) tous les 40 ans. Le TRE solaire est < l,5 an, le TRC solaire < 5 ans. Une fois le TRC passé (très court par rapport à la durée de vie des panneaux > 40 ans et des éoliennes ~30 ans), ces énergies renouvelables sans combustible à l’usage émettent 0 gCO2/kWh, versus le nucléaire entre 15 et 50 gCO2/kWh (extractions-transports des combustibles-déchets en permanence !).
Et la pilotabilité ? Et le facteur de charge éolien et solaire ? Versus nucléaire ? Il faut bien comprendre que le nucléaire est pilotable uniquement à la baisse (par ajout de bore dans le cœur de certains réacteurs), mais jamais à la hausse. Idem pour l’éolien et le solaire. La seule électricité non issue des fossiles pilotable à la hausse et à la baisse est l’hydraulique.
La complémentarité de notre mix solaire-éolien-(hydraulique) entre été/hiver et jour/nuit est très bonne.
Quant au facteur de charge (FC = rapport entre l’électricité réellement produite et celle produite théoriquement à la puissance nominale), il est 2 fois meilleur pour l’éolien terrestre (25 % à 30 %) que pour le solaire (~ 15 %). Le FC de l’éolien marin français actuel est de 40 % (~ 50 % en hiver). Quant au FC du nucléaire en 2022-2023, il est de 54 %, soit 18 % si l’on reste sur le « bluff » du fameux gaspillage de 2/3 d’énergie primaire nucléaire…

Article de Sylvain Houpert dans la revue Sortir du nucléaire du printemps 2023.

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L'énergie en France

Jean-Marc Jancovici, militant pro-nucléaire

Le 6 décembre, sur son compte Linkedin, Jancovici écrit : « Alors même que l’État français souhaite accélérer sur les énergies renouvelables (dont l’éolien et le solaire pour une large part), le contexte international fait ce qu’il peut pour contrarier ce plan, en renchérissant fortement le coût des matières premières nécessaires. »
Les matières premières sont en réalité sans rapport avec les atermoiements de la France pour accélérer sur le solaire et l’éolien, alors que ce serait bon pour sa sécurité énergétique. Ce sont les discours à charge qui sont en cause, Jancovici en ayant été jusqu’ici l’un des porteurs très médiatiques. L’actuelle envolée des prix de l’énergie se répercute sur celle des matériaux de la transition, c’est vrai. Mais l’augmentation du prix des fossiles affecte ces derniers bien davantage en tant que concurrents des énergies renouvelables ! Selon un rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) paru le 6 décembre également, les perspectives de déploiement des renouvelables pour la période 2022-2027 dépassent de 30 % ce qui était anticipé l’an dernier.
Et pour cause. Le solaire et l’éolien terrestre sont, dans la grande majorité des pays, les moyens les moins chers de produire de l’électricité. Ils devraient représenter 90 % des capacités électriques installées dans les cinq prochaines années, selon l’AIE.

Mais n’allons-nous pas buter sur les ressources minérales ? « À cause de leur caractère très diffus,le solaire et l’éolien demandent 10 à 100 fois plus de métal au kWh » que le nucléaire, affirme Jancovici dans sa BD (page 131), sans s’embarrasser de sourcer, ici comme ailleurs.
Dans son blog, Stéphane His repère que les chiffres employés par Jancovici sont souvent anciens. Dans le cas d’espèce, il s’agirait de données remontant aux années 2010. Or, depuis, la technologie a continué de progresser à toute allure. Citant un rapport de l’AIE sur les métaux de la transition paru l’an dernier, Stéphane His écrit que le ratio entre le nucléaire et les renouvelables serait de l’ordre de 1,4 à 3 selon les technologies.
Surtout, le même rapport montre que l’essentiel de l’accroissement de la demande de minéraux dans son scénario « zéro émission nette en 2050 » (où le nucléaire produit près de 10 % de l’électricité mondiale et le solaire et l’éolien, 70 %) provient des véhicules électriques. Rien à voir, donc, avec la nature des capacités électriques, nucléaires ou renouvelables.

Jean-Marc Jancovici rejette de même l’idée que l’on puisse construire un système électrique décarboné sans donner une place dominante au nucléaire, sauf à ce qu’il soit horriblement coûteux et non fiable.
Pour le cas de la France, les travaux publiés par l’Ademe en 2015 et en 2021 et par RTE en 2021 ont au contraire montré que le 100 % électricité renouvelable en 2050 était une option crédible sur un plan technique et économique. Et ce malgré une très forte pénétration – 80 % – des seules sources ayant un réel potentiel de développement, l’éolien et le solaire.
Leur défaut est de ne pas être pilotables, mais il peut être surmonté par le déploiement des moyens de flexibilité et de gestion du réseau électrique. Un défi technologique réel, mais pas insurmontable sur vingt ans. Sur le plan économique, l’étude de RTE indique des coûts complets du système électrique (production, transport et flexibilité) a priori favorables à une relance du nucléaire, mais avec des écarts limités par rapport à l’option contraire (de l’ordre de la dizaine de milliards d’euros par an dans un pays de 70 millions d’habitants), voire nuls, selon les hypothèses retenues…

Extrait d’un article d’Antoine de Ravignan dans Alternatives économiques de janvier 2023.

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L'énergie en France Médias

Nucléaire, mensonges sur le charbon allemand

« Pour sortir du nucléaire, l’Allemagne a dû revenir au charbon ! »
Qui n’a jamais entendu cette affirmation aussi courante que fausse ?
La décision de sortie du nucléaire, en 2011, n’a pas été effectuée grâce à un renfort du charbon, mais a donné l’impulsion pour une montée en puissance décisive des énergies renouvelables, qui a plus que compensé le déclin de l’atome.
En parallèle, malgré l’extension de mines de charbon destructrices, de nombreux projets de centrales à charbon ont été abandonnés et une baisse du recours aux énergies fossiles a été constatée.
Pour le mouvement climat allemand, lui-même issu du mouvement antinucléaire, le choix n’est plus entre nucléaire et charbon, mais énergies du passé et énergies d’avenir : maintenir la sortie de l’atome, accélérer la fin du charbon et atteindre au plus vite le 100 % renouvelable.

Article de la revue Sortir du nucléaire de l’hiver 2023.

Les statistiques officielles allemandes montrent clairement que les productions de charbon et de lignite sont en forte baisse depuis 2013, que la production nucléaire est en baisse depuis 2010 et que c’est la très forte hausse des renouvelables qui a compensé.

Pourquoi les média français nous racontent le contraire ?

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Environnement L'énergie en France

MaPrimeRénov, de la com, aucune efficacité

« Pouvez-vous citer une action réelle, forte, déterminante, qui ne soit pas juste de la com’, que vous menez pour l’écologie ? »
À cette question posée par un internaute, Emmanuel Macron répond fièrement dans une vidéo postée sur YouTube : « On a rénové plus d’un million de logements d’un point de vue thermique grâce à MaPrimeRénov. » Le chiffre n’est pas faux. Mais cette affirmation présidentielle résonne pourtant comme de la com’.
La suite des propos tenus parle président de la République est autrement plus intéressante : « Il y a des rénovations complètes et intégrales, elles sont beaucoup moins nombreuses. » Le diable se cache dans les détails. Parce que le million de rénovations annoncé se réduit comme peau de chagrin quand on s’intéresse aux rénovations dites « complètes et performantes ». MaPrimeRénov soutient essentiellement des rénovations « mono-gestes » : de janvier 2020 à juin 2021, 86 % des demandes de primes accordées sont constituées de mono-gestes, seulement 72 % correspondent à deux types de travaux simultanés, et 3 % à trois types de travaux simultanés ou plus », souligne un rapport de France Stratégie.
Ces gestes uniques ne sont que très peu efficaces. Une enquête sur la rénovation des maisons individuelles menée par l’Observatoire national de la rénovation énergétique l’illustre. Les travaux touchant à cinq gestes ou plus sont six fois plus efficaces que les mono-gestes. Mais ce n’est pas le seul défaut de cette politique du chiffre. « Les gens ne font pas des travaux de rénovation au compte-gouttes. Une fois qu’ils en ont fait, ils n’en font plus pendant plusieurs années. Donc les petites rénovations de MaPrimeRénov bloquent
la mise en place de travaux plus structurels parla suite. Et ça, c’est embêtant », souligne Michel Colombier, membre du Haut Conseil pour le climat (HCC).

Une réalité d’autant plus gênante que la France reste loin de ses objectifs sur la rénovation des logements. Une note de l’Institut du développement durable et des relations internationales (lddri), datée du printemps 2022, souligne ainsi que, « en dépit du fait que le secteur des bâtiments est celui pour lequel la stratégie nationale bas carbone prévoit la réduction des émissions la plus rapide à moyen terme, les politiques peinent à atteindre leurs objectifs.
Le secteur présente le plus grand écart par rapport à la trajectoire du premier budget carbone (+ 74,5 % par rapport à la trajectoire cible sur 2015 et 2018). Et de conclure : « L’ambition consensuelle d’accroître le nombre de rénovations énergétiques ne se traduit pas en résultats probants. »
Au 1er janvier 2022, 5,2 millions de résidences principales (soit 17 % du parc) étaient encore des passoires thermiques. À peine quelques milliers – 2 500 selon la Cour des comptes – sortent annuellement de ce statut grâce à MaPrimeRénov.
Pour atteindre ses objectifs, tous les acteurs le disent, la France doit « changer d’échelle » en axant les politiques publiques vers des rénovations performantes. Il faut ainsi passer « d’environ 70 000 rénovations globales effectuées » par an (la moyenne sur la période 2012-2018) « à 370 000 par an après 2022 et 700 000 par an à partir de 2030 », note France Stratégie.

Début d’un article de Pierre Jequier-Zalc dans Politis du 15 décembre 2022.

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Environnement L'énergie en France

La dématérialisation

L’impact spatial et énergétique des data centers sur les territoires (Rapport Ademe 2019).
En 2021, on recensait 8200 data centers dans le monde. Il en existerait davantage pour répondre à l’accroissement exponentiel des données. La France, huitième au palmarès, en possède 250 dont 150 en région parisienne. Le dernier a été implanté à Plaine Commune (Seine-Saint-Denis), sur les 7 hectares de l’ancien site d’Eurocopter. Il est géré par Interxion, le premier groupe européen de data centers, qui réalise un chiffre d’affaires près de quatre fois supérieur à celui d’Air France.

Enfin, l’électricité. Non seulement toutes ces machines infernales coûtent un pognon de dingue, mais elles surconsomment. Pour elles, c’est ceinture et bretelles. « Ces cocons technologiques sont deux fois raccordés au réseau pour contrôler tout risque de panne que
provoquerait la moindre modification de la température ou une coupure de courant. D’immenses salles pleines de batteries ont été installées. Ces piles géantes sont changées tous les trois ans, sans avoir été utilisées. » Un gaspillage vertigineux pour éviter l’impensable dans ce monde de l’hyper profit : que des milliards soient empêchés de circuler chaque seconde. Globalement, le numérique est énergivore dans des proportions délirantes. Quelques chiffres : la consommation en électricité d’un data center moyen est équivalente à celle d’une ville de 50 000 habitants ; l’ensemble des data centers de l’Île-de-France consomme l’équivalent de deux réacteurs de la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, dans l’Aube ; aujourd’hui, le secteur du numérique avale 10 % de l’électricité mondiale. En 2025, il pourrait engloutir 25 % de la production (projection du think tank français The shift Project). Une démesure que rien ne semble pouvoir freiner. Et on nous parle de cols roulés…

Extrait d’un article de Véronique Brocard dans Siné mensuel de janvier 2023.

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L'énergie en France

OMS, AIEA : le nucléaire n’est pas dangereux

Le premier directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS, 1948), Brock Chisholm – général de l’armée canadienne, psychiatre de formation, apologiste de la politique de la terreur atomique et fervent défenseur du développement de l’industrie nucléaire -, va engager l’organisation dans le déni des effets des rayons, dans une stratégie d’acceptation mondiale du nucléaire. Son premier grand rapport sur la question résume l’acceptation du nucléaire à un problème de « santé mentale » de la population et fournit une aide « scientifique » aux dirigeants pour gouverner l’ère atomique. Dans cette approche « psychiatrique » de la radioactivité, l’OMS négligera d’examiner les conséquences physiques des radiations (que ce soit à Hiroshima-Nagasaki, dans les retombées des essais atomiques ou dans ses usages médicaux).

 

En 1950, dénuée de moyens suffisants pour traiter la question, l’OMS se décharge de sa responsabilité scientifique et décide de sous-traiter la radioprotection à la CIPR. Elle signe par ailleurs en 1959 un accord de coopération avec le plus grand lobby mondial du nucléaire : l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) dont la feuille de route est d’ « encourager et faciliter, dans le monde entier, le développement et l’utilisation pratique de l’énergie atomique à des fins pacifiques ». L’OMS s’engage alors à ne publier aucun rapport en matière de conséquences sanitaires du nucléaire sans l’accord de l’AIEA.

Quant au Comité scientifique des Nations unies sur les effets des rayonnements ionisants (UNS-CEAR, 1955), il est lui aussi inextricablement lié à la CIPR. Les principaux acteurs de ces deux institutions cumulent en effet les fonctions de délégation à l’UNSCEAR et d’appartenance à la CIPR. La confusion hiérarchique est à son comble : le premier « dit la science », trie les publications scientifiques et a le pouvoir de dire ce qu’il y a à savoir ; le second calibre ses recommandations et leur principe d’application sur cette « science ». Ceux-ci sont ensuite retranscrits pieusement par les États dans leurs législations. L’utilisation arbitraire de seuils de toxicité par les industriels permet ainsi d’imposer des normes et de construire une image « positive » montrant qu’il est possible de vivre en territoire contaminé […]

 

[…] l’explosion des bombes atomiques à Hiroshima et Nagasaki fut l’événement fondateur pour construire le modèle de référence – toujours d’actualité bien que produit avant la découverte de l’ADN en 1953 ! – de l`étude des radiations par la CIPR. C’est bien en septembre 1945, après l’explosion des deux bombes, que trois équipes américaines « étudièrent » les survivants aux bombardements pour identifier le nombre de cancers radio-induits, en fonction des niveaux d’exposition subis. Ne prenant en considération que les cancers issus d’irradiation externe, ces travaux sont parfaits pour imposer le concept de « dose tolérable ». Car la radioactivité émise par une bombe atomique – et ses effets sanitaires – n’a rien a voir avec celle d’une centrale nucléaire ou d’une catastrophe industrielle comme Tchernobyl.
Une bombe produit principalement des manifestations immédiates, en lien avec une irradiation externe intense mais limitée, les radioéléments produits se désintégrant rapidement. À l’inverse, les retombées radioactives consécutives a un accident nucléaire contaminent durablement les populations et les territoires du fait de l’absorption de radioéléments à vie longue. Cette contamination interne produit des effets diffus et pour beaucoup différés dans le temps, rendant difficile leur reconnaissance comme conséquence de l’irradiation.

 

Pas étonnant dès lors que le bilan « officiel » de l’ONU sur les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl dissimule la majeure partie du désastre. Ce bilan « définitif », établi par une commission sous la houlette de l’AIEA, de l’OMS, de l’UNSCEAR et de la CIPR dans le but de « tourner la page de la catastrophe » à l’occasion du vingtième anniversaire, retient : deux morts dans l’explosion, vingt-huit peu après du fait du syndrome d’irradiation aiguë, et dix-neuf entre 1986 et 2004. Soit, en tout et pour tout, 49 décès. Un calcul, issu des élucubrations théoriques du modèle Hiroshima-Nagasaki : celui de 4 O00 décès au maximum à long terme. Une arrogance hallucinante enfin : le rapport – position officielle de ces institutions – soutient que la séquelle sanitaire la plus lourde de la catastrophe est liée à la « peur des radiations » et ses conséquences psychosomatiques… alors même que les conséquences sanitaires touchent principalement des enfants en bas âge !

Extraits d’un article d’Arthur Guerber dans le journal La Décroissance de décembre 2022.

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Environnement L'énergie en France Société

La sobriété selon le marché

Le plan de sobriété presenté par le gouvernement en octobre est censé incarner la « radicalité » du gouvernement pour mener à bien la « révolution écologique », selon les mots de la Première ministre Élisabeth Borne. L’objectif de ce plan est d’ailleurs relativement ambitieux : faire baisser de 10 % en deux ans la consommation globale d’énergie. […]

On citera le « bonus covoiturage » d’environ 100 euros pour les particuliers. On relève également l’augmentation de 15 % de l’indemnité forfaitaire de télétravail dans la fonction publique, pour que les fonctionnaires se déplacent moins… Et puis c’est tout ! Le reste du plan n’est qu’une série de mesures anti-gaspi auxquelles les entreprises se sont engagées.
Fermer la porte quand le commerce est chauffé, couper l’eau chaude quand elle est inutile, etc. Le gouvernement affiche ainsi la bonne volonté des entreprises, jusqu’à préciser des détails qui frisent le ridicule : « former les conducteurs de remontées mécaniques à l’écoconduite », « vérifier la pression des pneus » des véhicules de fonction… et « pour les matchs en soirée, l’éclairage qui est aujourd’hui allumé a 100 % 3 heures avant le match, sera désormais allumé à 100 % au plus tôt 2 heures avant le match pour le football, 1 heure pour le rugby ». Tous ces engagements pourraient conduire à une baisse de la consommation de l’ordre de 50 TW/h (sur une consommation totale d”environ 1 600 T\Wh), soit 3 % d’énergie économisée. Encore faut-il qu’ils soient tenus !
Il s’agit en effet de promesses dans l’immense majorité des cas.
Autrement dit, les entreprises font bien ce qu’elles veulent. Aveu de faiblesse de l’État ? Pas du tout, répond le gouvernement, qui refuse toute idée de réglementation, pour les entreprises comme pour les particuliers. La limitation à 110 km/h sur autoroute par exemple : « C’est important d’informer sur les économies qu’on peut faire en roulant moins vite, (…) mais on ne peut pas fonctionner à coups d’interdictions », a estimé la cheffe du gouvernement sur BFM, tout en rappelant qu’une telle baisse permettait de « réduire de 20 % sa consommation ». Mais au final, s’il n’y a pas d’interdiction, qui fera l’effort de réduire sa consommation ?
Uniquement les écolos ? Non : beaucoup de gens sont déjà contraints de rouler moins vite, de ne pas chauffer, etc. D’autres, par contre, ont les moyens de se déplacer en jet, d’acheter de très grosses voitures polluantes, et de chauffer d’immenses demeures. Le marché est d’une grande violence sociale, car il contraint d’autant plus ceux qui n’ont pas beaucoup de moyens.
Il faut justement des mesures d’interdiction et de réglementation pour équilibrer cet effort : taxer fortement le kérosène des jets privés, prévoir un malus-poids digne de ce nom pour les véhicules, réfléchir à une tarification énergétique pat tranches proportionnelles, tenir compte des surfaces habitées pour les aides à l’isolation.
Ce n’est pas seulement une question de justice sociale : rappelons qu’en termes d’émissions de gaz à effet de serre, très souvent liées à la dépense énergétique, les Français parmi les 10 % les plus riches émettent 24,7 tonnes par personne et par an, quand la moyenne nationale s’établit à 9 tonnes. Qu’est-ce qu’on laisse entendre, quand on dit que « chaque geste compte » ? Que chaque geste se vaut, qu’on se rende à Saint-Tropez pour le week-end en jet, ou qu’on chauffe la chambre de ses enfants. Le marché ne fait pas la différence, le gouvernement non plus.

Édito de Fabien Ginisty de l’âge de faire de novembre 2022.

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Environnement L'énergie en France

Le nucléaire pollue nos cours d’eau

L’eau est un bien commun, une ressource qui se partage et se protège collectivement. Pourtant, l’industrie nucléaire pille, gaspille et fragilise cette ressource de plus en plus rare et précieuse. Pollutions chimiques, contaminations radioactives, rejets non autorisés, forages en nappe phréatique… Lister les accidents sur l’année qui vient de s’écouler
souligne l’urgence à arrêter l’exploitation de centrales nucléaires […]

JUIN 2021
À Paluel, Penly et Flamanville, les boues des stations d’épuration qui traitent les eaux usées classiques contenaient du cobalt 60. De quoi questionner le confinement de la radioactivité… Alors qu’elles auraient dû être traitées en déchets nucléaires, EDF les a envoyées vers des filières conventionnelles durant des années. Les faits, connus depuis 2019, ont été déclarés au public en juin 2021.
EN JUILLET
À Flamanville, des hydrocarbures ont été déversés dans le réseau d’eaux pluviales, directement relié à la nature. […]
EN SEPTEMBRE
Dans la Loire, là où la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux rejette son eau chaude, la prolifération d’agents pathogènes (amibes et légionelles) était telle qu’EDF a dû « traiter », en déversant des litres de produits biocides (javel et ammoniac), littéralement qui-tue-le-vivant. Avec quels impacts sur le reste de l’écosystème ?
Du côté de Civaux, des taux d’hydrocarbures six fois supérieurs au maximal autorisé ont été mesurés dans le réseau d’eaux pluviales. EDF s’en est rendu compte trop tard pour stopper la pollution avant qu’elle n’atteigne la Vienne.
EN OCTOBRE
À Cruas, EDF a jeté des déchets dans le Rhône avant de savoir ce qu’il y avait dedans. Une tradition locale peut-être, puisqu’on apprendra peu après que depuis 2013, acide sulfurique, javel et ammoniac sont envoyés là où ils ne sont pas censés aller, dans un ruisseau, parce que l’exploitant ne connaît pas ses circuits.
EN DECEMBRE
À Chinon, l’Autorité de sûreté nucléaire a stoppé les forages dans la nappe phréatique sous le site. Elle a autorisé le pompage de milliers de litres pour doter la centrale d’une nouvelle source de refroidissement, mais elle avait imposé des précautions pour éviter et détecter les pollutions des sols et des eaux que les travaux pouvaient générer. Précautions sur lesquelles EDF s’est en partie assis.
FIN 2021
Un réservoir d’effluents radioactifs a débordé à la centrale du Tricastin. Plus de 900 litres se sont infiltrés dans le sol et ont atteint la nappe phréatique. Des pics de tritium à près de 29 000 Bq/l y ont été mesurés. Une importante pollution radioactive, extrêmement
mobile dans l’environnement et qui contamine aisément les systèmes biologiques.
DÉBUT 2022
Le site du Bugey pollue le Rhône avec un cocktail chimique. Un circuit « inétanche » (pour ne pas dire percé) se déversait dans le réseau d’eaux pluviales qui s’écoule à son tour dans le fleuve.
À Cattenom, la centrale a mis des arcs-en-ciel dans la Moselle : des litres d’hydrocarbures ont irisé le fleuve suite à une erreur et une absence totale de questionnement sur ses conséquences.
EDF ne s’est aperçu de rien, c’est la police fluviale qui a repéré la pollution.
EN MARS
La centrale de Golfech a déversé dans la Garonne plus de 5 000 litres d’acide sulfurique, un des acides les plus puissants. Là encore la fuite était visible. La pollution aurait pu être évitée si EDF avait surveillé les injections chimiques dans les circuits de refroidissement.
EN AVRIL
La centrale de Cruas déverse à nouveau des doses massives d’ammoniac et de javel dans le Rhône en raison de la prolifération d’agents pathogènes.
EN MAI
À Flamanville, des hydrocarbures sont à nouveau présents dans le réseau d’eaux pluviales. Là encore, dans des taux supérieurs à ce qui est autorisé.
EN JUILLET
La centrale de Belleville déverse son « traitement » contre les amibes qui pullulent dans la Loire…

Extraits de la revue Sortir du nucléaire de l’automne 2022.

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L'énergie en France Politique

Nucléaire russe : un tabou européen

La guerre en Ukraine a propulsé le sujet de la dépendance énergétique de l’Europe au gaz russe dans le débat public, dans les foyers de nombreux pays et au cœur du Parlement européen. Les mesures de sevrage du gaz russe et les sanctions envers la Russie se succèdent, avec notamment un embargo sur le charbon. Le nucléaire, quant à lui, reste l’éternel oublié (voir l’oubli constant et discret du nucléaire civil sur France-Culture). Pourtant, la dépendance de l’Europe à l’industrie nucléaire russe est d’une envergure stratégique tout aussi importante que celle du gaz.

La livraison de centrales clés en main par Rosatom, géante de l’industrie nucléaire russe fondée par V. Poutine en 2007 pour servir ses ambitions géopolitiques, permet d’asseoir l’influence de la Russie dans les pays européens dotés de réacteurs russes, tout en renforçant son emprise sur la politique de transition énergétique du continent.

Dans son nouveau livre (Guerres cachées. Les dessous du conflit russo-ukrainien), le journaliste indépendant Marc Endeweld démontre comment les actions de l’Ukraine et son rapprochement de l’américain Westinghouse pour sortir de sa dépendance nucléaire à la Russie ont été un élément clé dans la décision de V. Poutine d’envahir l’Ukraine.
Alors pourquoi ce silence ? En France, les intérêts des industriels et la foi aveugle des hauts fonctionnaires dans l’énergie nucléaire y sont certainement pour beaucoup. Dans son rapport de mars 2022, Greenpeace France montre la dépendance de l’industrie nucléaire française à Rosatom, à tous les niveaux de la filière, et celle d’entreprises comme Vinci, Bouygues, Dassault Systèmes, Bureau Veritass… et bientôt l’usine de Belfort qui fabrique des turbines Arabelle équipant les centrales nucléaires russes.
Emmanuel Macron a été l’instigateur d’une alliance de pays européens pro-nucléaire et pro-gaz qui a fait pression pour l’inclusion du gaz fossile et du nucléaire dans la taxonomie européenne, ce guide des activités nécessaires à une transition énergétique pour faire face à l’urgence climatique.
La partie était presque gagnée, mais la guerre en Ukraine a rebattu les cartes. Le flagrant délit d’un financement de la guerre par les milliards payés par l’UE à la Russie pour acheter son gaz fossile risque de faire tourner au vinaigre le mariage du nucléaire et du gaz fossile.

Extrait d’un article paru dans la revue Sortir du nucléaire de l’été 2022.

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L'énergie en France

Nucléaire vs renouvelables

Dans un article publié en 2020 dans la revue Science, six chercheurs, passant en revue 45 technologies, concluaient d’ailleurs que les options à petite échelle (panneaux solaires, isolation des bâtiments, etc.), plus faciles à mettre en œuvre et plus réplicables, étaient plus pertinentes que les gros projets pour réduire rapidement nos émissions.
La comparaison des rythmes de développement respectifs du nucléaire et des énergies renouvelables est effectivement sans appel. Entre 1997 (année de la signature du Protocole de Kyoto) et 2020, la production annuelle d’électricité a crû de 1580 TWh pour l’éolien et 855 TWh pour le solaire, contre 289 pour le nucléaire. De 2010 à 2019, la production d’électricité nucléaire a crû de 1 %, contre… 312 % pour l’éolien et 2029 % pour le solaires ! En 2020, la capacité renouvelable installée a connu une croissance annuelle de 45 % qui, selon l’Agence internationale de l’Énergie, devrait devenir la nouvelle norme.

Un coût prohibitif

La rapidité n’est pas le seul paramètre à prendre en compte. Pour un euro investi, quelles options permettent de réduire le plus nos émissions ? Là encore, le nouveau nucléaire ne fait pas le poids. Entre 2009 et 2020, au niveau mondial le coût actualisé du solaire a baissé de 90 %, celui de l’éolien de 70 %… tandis que celui du nucléaire augmentait de 33 %. Le nucléaire est plus cher que l’éolien depuis 2011, et que le solaire depuis 2013. Selon l’Agence internationale de l’Énergie, cette dynamique se poursuivra dans les décennies à venir, le coût de production du solaire ne représentant plus que 1/5 de celui du nucléaire en 2050.

En France, l’électricité produite par le futur EPR de Flamanville a été estimée entre 110 € et 120 € le MWh… contre 60€ pour les derniers projets de parcs
éoliens offshore. Aux États-Unis, l’écart de coût disqualifie non seulement le nouveau nucléaire, mais aussi une partie des réacteurs les plus anciens : dans plusieurs cas, il est apparu plus rentable de fermer un site nécessitant trop de travaux et d’investir à la place dans les énergies renouvelables. Certaines centrales vieillissantes américaines n’ont d’ailleurs pu être maintenues en fonctionnement qu’au prix de coûteuses subventions publiques.

De fait, le développement et le maintien du nucléaire est financièrement impossible sans mécanisme de soutien étatique, comme c’est le cas en Chine, en Russie, en France ou au Royaume-Uni avec le projet d’Hinkley Point. C’est notamment pour cela qu’en 2020, les investissements dans les énergies renouvelables, dans le monde, ont été 17 fois supérieurs à ceux dans le nucléaire.

Certes, les énergies renouvelables demandent également des investissements non négligeables pour compenser leur variabilité. Mais certaines études comme celles du CIRED ont démontré que le surcoût pour l’ensemble du système énergétique demeurait limité, le coût global restant du même ordre de grandeur qu’actuellement.

Le nucléaire,un prétexte pour éviter le changement de système

Trop lente, trop chère, la construction de nouveaux réacteurs est inadaptée pour faire face à l’urgence climatique. Pire, ce projet vient détourner des sommes importantes d’autres choix qui pourraient permettre d’atteindre plus sûrement nos objectifs climatiques

Extrait d’un article de Charlotte Mijeon dans la revue Sortir du nucléaire du printemps 2022.