Antisionisme et antisémitisme

[…] Ce conflit ne nous a jamais quittés parce qu’il symbolise un colonialisme d’un autre âge. Et parce qu’il illustre ce qu’il y a de pire dans les relations internationales, et peut-être dans les relations humaines tout court, le triomphe de la force sur le droit. Et, surtout, parce qu’il a trop souvent déchiré la société française jusqu’à produire en son sein les haines les plus irrationnelles, antisémitisme et islamophobie confondus.

[…]Nous sommes tout près d’une annexion.
Certes, le pire n’est jamais sûr, mais tout est en place pour que la droite et l’extrême droite israéliennes portent le coup de grâce à la solution ébauchée en 1967 dans la fameuse résolution 242 de l’ONU. Mais nous n’en serions pas là sans qu’une autre condition soit remplie, en plus de la droitisation de la société israélienne et de l’arrivée à la Maison Blanche d’un Président (et d’un vice-président) étroitement lié au lobby évangéliste, plus sioniste que les sionistes juifs.
Cette autre condition, c’est l’hypocrisie des Européens, et des Français en premier lieu. Tout est fait, en France principalement, pour museler les mouvements anti-colonisation. La criminalisation du mouvement pour le boycott, notamment, qui vise à interdire la moindre velléité de mobilisation.

S’ajoute à cela une adhésion zélée à la propagande israélienne dont le but est d’entretenir la confusion entre antisionisme et antisémitisme. En prétendant, en juillet dernier, que l’antisionisme est la « forme réinventée de l’antisémitisme », Emmanuel Macron n’a pas seulement manipulé l’histoire, il a commis un déni de démocratie. Car l’antisionisme est une opinion qui, de surcroît, ne suppose en rien vouloir la disparition d’Israël, mais la fin de la colonisation.
Il faut lire absolument à ce sujet le petit livre d’une très grande justesse de Dominique Vidal (Antisionisme = antisémitisme ? Réponse à Emmanuel Macron, éd. Libertalia, 125 p., 8 euros.).
On aimerait savoir ce qu’en pense notre président de la République… Si sa petite phrase du mois de juillet est autre chose qu’un assaut de cynisme.

Mais ne nous trompons pas : à supposer que le 6 décembre 2017 marque la fin de la « solution à deux États », ce ne sera certainement pas la fin de l”histoire. Sauf à envisager une situation de guerre, la résistance palestinienne, comme toute résistance anticoloniale, ne cédera pas pour autant. Le mouvement pour le boycott est à présent international. Et, en France, il brave les interdits. Quant à l’annexion des Territoires palestiniens, elle créerait (parlons-en encore au conditionnel) une situation nouvelle à laquelle beaucoup de Palestiniens sont déjà prêts : une revendication d’égalité pour tous les citoyens, qu’ils soient juifs, musulmans, chrétiens ou athées, sur l’ensemble de la vieille Palestine mandataire. S’ils veulent l”empêcher, les dirigeants israéliens devront assumer un régime d’apartheid tout à fait semblable à l’Afrique du Sud d’avant Mandela. Au fond, les colons entraînent peut-être leur pays vers un désastre. C’est au tour de l’Union européenne et de la France d”agir pour arrêter cette machine à remonter le temps. Un premier pas serait de reconnaître, même symboliquement, un État palestinien.

Extrait de l’éditorial de Denis Sieffert dans l’hebdomadaire Politis du 01 février 2018.
Lecture sur le même sujet : Le sionisme et la colonisation.

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