Séparatisme

Or il y a belle lurette que le capitalisme a perdu toute capacité de contrôler sa pente démesurée à l’accumulation du profit. Il lui faut sans cesse trouver de nouveaux marchés pour de nouveaux produits pour de nouveaux consommateurs, pour de nouveaux investissements générateurs de nouveaux profits, sans règle et sans limite, et les politiques mises en œuvre, du moins dans les démocraties parlementaires, ont de plus en plus de mal à masquer, derrière l’écran du débat rituel entre « représentants du peuple », la dictature toujours plus pesante des intérêts de la Finance, du Commerce et de l’Industrie, à la fois opposés et conjugués dans le culte monothéiste de l’Argent-Dieu.

Dans ces conditions, les velléités de secouer le joug du Capital se font partout plus vives et plus violentes et les gouvernements des pays « démocratiques » essaient de contenir ces sursauts toujours dangereux, par tous les moyens.
D’abord par la répression brutale et meurtrière, au nom de la loi et de l’ordre républicains. Ensuite par la propagande visant à discréditer toute opposition, en la qualifiant de « séparatiste ». Le procédé est vieux comme la lutte des classes, avec des variantes selon les époques : après les journées de juin 1848 ou la Commune de Paris en 1870, la bourgeoisie française se félicitait de pouvoir expédier aux colonies, par bateaux entiers, les révoltés de la misère, leurs familles et tous les mal-pensants qui avaient le mauvais goût de s’insurger contre la tyrannie de l’argent.

Aujourd’hui, on n’a plus de colonies pour y déporter les gens. Ça complique un peu les choses. Seuls les milliardaires trouvent des paradis fiscaux pour les accueillir. S’installer à l’étranger, quand on est riche, cela ne s’appelle pas « séparatisme », mais « optimisation fiscale » ! Les pauvres, personne n’en veut nulle part, même pas à Lesbos ou à Lampedusa ! C’est comme pour la quadrature du cercle, on ne voit pas l’ombre d’un commencement de solution… ou plutôt si, on commence à en entrevoir une, par le biais inattendu de la révolution écologique, la vraie, pas celle, risible, des petits-bourgeois d’EELV.

La vraie révolution sera(it) que tous les « séparatistes » cessent de faire république commune au bénéfice du Capital, parce qu’il n’y a plus aucun moyen de se faire rendre justice ni de faire entendre raison, dans un débat parlementaire totalement perverti, à ceux que le capitalisme a attachés à son service et qui tiennent l’État. Mais il faut qu’il soit bien clair alors, que les « séparatistes » sont ceux qui ont confisqué la République et en ont fait leur jardin privé, et non pas ceux qui en ont été exclus et dont ils aimeraient se débarrasser.

Dernière partie d’un article d’Alain Accardo dans le journal La Décroissance d’octobre 2020.

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