Peuple de gauche et citoyenneté

Chers camarades de gauche, vous qui errez misérablement une lanterne à la main, à la recherche d’un être providentiel digne de votre allégeance, quand donc vous aviserez-vous que votre quête est inutile, que vous prenez la question par le mauvais bout et qu’il ne s’agit pas tant de trouver un nouveau candidat pour le peuple de gauche que de susciter un nouveau peuple de gauche avec des partisans décidés à abattre l’ancien Régime ? Alors peut-être surgiront de vos rangs non pas un(e) représentant(e) d’exception, mais des milliers de citoyen(ne)s dignes de ce nom qui accepteront de se fatiguer un peu à gérer ensemble les affaires publiques.

Le monde moyen de la classe moyenne, à laquelle malheureusement vous et moi appartenons sociologiquement, est un monde plutôt abject. C’est le propre des classes moyennes de tous les temps. Reprenez vos livres d’histoire, vous verrez que c’était déjà vrai du temps de Périclès, de l’empereur Auguste, ou de Napoléon III, ou de la Florence des Médicis, ou du Chili de Pinochet, etc., toujours et partout où les riches, les seigneurs, les patriciens, ont eu besoin d’aides et de complices pour domestiquer et tondre les pauvres.
Les structures objectives des rapports sociaux de domination sont implacables. Encore les classes moyennes d’autrefois (celles par exemple du Ve siècle av. J.-C. à Athènes, de la Renaissance en Italie, ou de notre âge classique) ont-elles été capables d`apporter des contributions importantes à la montée de civilisations brillantes et fécondes. Ces classes moyennes avaient encore des idéaux et croyaient encore avoir un autre destin que celui de servir les puissants et même si elles bafouaient souvent leurs valeurs dans la pratique, elles n’avaient pas encore placé inconditionnellement le Capital au sommet de la hiérarchie.
Aujourd’hui, ne croyant plus en rien qu’en l’argent, ses pouvoirs et ses plaisirs, nos classes moyennes font encore mine d’honorer la Vertu, mais en réalité ce n’est plus qu’un masque pour aller au bal des Travestis.

Quand une civilisation en arrive à ce point de grimace et de tartuferie, c’est qu’elle est spirituellement à bout de sève, de souffle et de sens. C’est que sa classe moyenne en particulier n’est plus qu’une baudruche dépourvue des moyens matériels et symboliques de soutenir sa prétention, et ne peut plus que se jouer la comédie de sa grandeur.

Extraits d’un article d’Alain Accardo dans La Décroissance de mars 2016.

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