Pauvre entrepreneur

Macron, ce Kerviel qui boursicote en politique, voudrait qu’on s’attendrisse sur le sort des patrons, sans doute pour justifier tous les cadeaux que leur fait la loi Travail de Mme El Khomri. « La vie d’un entrepreneur est bien souvent plus dure que celle d’un salarié, il ne faut pas l’oublier. Il peut tout perdre, lui. Et il a moins de garanties » (BFM-TV en janvier 2016). La grande solitude du calcul égoïste, présentée d’habitude comme un héroïsme de yuppie, nous revient là, tel un renvoi acide après un repas trop riche, sous forme de jérémiades.

« L’entrepreneur se dit : est-ce que j’ai le droit de me tromper ? » Ce à quoi tout humain normalement constitué, qu’il appartienne à une communauté paysanne d’un pays du Sud ou à une coopérative ouvrière, pourrait répondre par cette évidence : on réfléchit mieux à plusieurs et les risques partagés sont moins lourds à porter… à condition de partager aussi le fruit du labeur !

« Est-ce que si ça va mal demain, je pourrai m’adapter ? », s’émeut Macron, toujours dans la peau du pauvre patron. Et grâce à sa roublarde inversion, on découvre qu’il n’y a pas pire inadapté que l’antisocial paradigmatique qu’on s’évertue à donner en exemple aux travailleurs : leur chef. Qui souffre. « Quand on peut s’organiser de manière plus souple, on peut s’adapter », geint encore le ministre. Et là, on se pince : le jeune loup de la finance socialiste vient d’avouer tout haut ce que les ferrailleurs, les RSAstes débrouillards, les trimardeurs au black et autres aventuriers de l’activité informelle mettent en pratique tout bas. Fallait le dire !

Article de Bruno Le Dantec dans le journal CQFD d’avril 2016.

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