Notre démocratie est de pure forme

Notre démocratie est de pure forme, elle se réduit au fait que nous soyons convoqués rituellement tous les cinq ans pour élire nos « représentants ».
Entre deux élections, nous sommes peu voire pas du tout interrogés, il n’y a pas de débats publics massifs sur les questions importantes qui concernent la vie d’une société, il y a des consultations partielles (les élus rencontrent les populations), des sondages d’opinion et du lobbying.
La démocratie n’est pas en échec, elle reste à construire, et on ne voit pas comment nous pourrions sortir des crises dans lesquelles nous sommes plongés sans davantage d’implication populaire, sans l’invention de procédures démocratiques radicales.

Ce que la politique, confisquée par certains et le plus souvent au profit de certains, a fait, la politique peut le refaire, à condition qu*elle ne se réduise plus à une concentration du maximum de puissance entre les mains du minimum de gens. La politique doit être démocratique, doit être le bien de tous, à cette condition elle pourra exprimer non seulement l’avis majoritaire, mais correspondre à l’expérience que chacun a de la vie en société, donner lieu à des décisions soucieuses du bien commun, de l’état de notre monde tout autant que de l’avenir.

Encore faudrait-il que l`on demande a chacun son avis autrement que sous la seule forme de l’élection, d’ailleurs considérée dans l’Antiquité comme une forme de désignation aristocratique, au contraire du tirage au sort. Les gens sont capables de s’intéresser, d’écouter, de comprendre et de délibérer, comme les jurys populaires des cours d’assises le montrent chaque année. L’expérience des « conférences de citoyens » exprime en acte la « compétence des incompétences » postulée par Paul Ariès. Mais le niveau de citoyenneté actuelle est à la hauteur de ce que les puissants veulent, des peuples amorphes, votant comme ils le souhaitent, peu revendicatifs, mobilisés par des sujets secondaires comme le sport.

Pourtant, il existe une demande de démocratie, chez nos concitoyens, en particulier dans la jeunesse, qui ne se réduit pas à l’image désabusée du consommateur penché sur son téléphone portable. […]

[…] il y aura des échecs et des heurts, mais nous n’avons pas à souhaiter que la démocratie soit pareille à un long fleuve tranquille. Au-delà de la politique « consensuelle » du politiquement correct et de l’extrême centre (Alain Deneault, La médiocratie), il convient de faire « l’éloge du conflit » (Benasayag-del Rey), c’est-à-dire non de la violence, mais de la rencontre, du débat, du désaccord et pourquoi pas du compromis.

Nous sommes aujourdhui comme des enfants en politique, réagissant immédiatement aux moindres nouvelles médiatiques, même les plus dérisoires, et finalement profondément passifs et fatalistes devant les politiques libérales qui pourtant ne satisfont qu’une minorité aisée. Devenir adultes signifie que nous nous exposions, que nous revendiquions, que nous reprenions notre destin en mains, que nous fassions preuve de solidarité, que nous recréions du collectif, […]

Extraits d’un article de Florent Bussy dans la revue Les Zindigné(e)s de décembre 2018.

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