L’Europe des délocalisations

Monsieur Gest, député-président de la métropole, Monsieur Bertrand, président des Hauts-de-France, êtes-vous des crétins ?
C’est la question que je me pose, à la lecture de votre communiqué :
« C’est avec colère et incompréhension que nous apprenons la décision de Whirlpool de fermer définitivement en 2018 son site de production de sèche-linge situé à Amiens. »
« Cette fermeture répond à des impératifs exclusivement fondés sur la rentabilité financière… L’objectif de la Direction est bien de procéder à une simple délocalisation en s’appuyant sur une minimisation du coût du travail en Pologne… »
[…]
Mais non, je ne vous prends pas pour des crétins.
Vous comprenez très bien tout ça. Vous feignez juste de ne pas comprendre, plus hypocrites qu’imbéciles.
Vous comprenez d’autant mieux que, depuis des décennies, pas tout seuls, non, avec tous vos collègues, avec vos partis, mais vous aussi, personnellement, vous qui avez siégé au Parlement européen, ou à l’Assemblée nationale, ou dans des gouvernements, depuis des décennies vous approuvez cette Europe de « la libre circulation des capitaux et des marchandises ».
Cette Europe dont le but, oui, le but, la finalité voulue, recherchée, affichée par ses dirigeants (je vais y revenir, le redémontrer) n’est pas « la paix », la « prospérité » et autres salamalecs, mais la « concurrence libre et non faussée » des travailleurs entre eux. La recherche du moindre coût. Le profit pour les actionnaires.
Cette Europe qui fait de Whirlpool non une exception, mais la règle. Cette Europe qui fait des multinationales nos maîtres, vous, oui, Alain Gest, Brigitte Fouré, Xavier Bertrand vous l’avez voulue, vous l’avez fabriquée.
[…]

Le rapport Secafi Alpha

Les travailleurs slovaques acceptaient, d’après les documents, des « salaires dix fois moins élevés ». Sans compter des cotisations maladie directement payées par l’État. Au final, en France, la main d’œuvre représentait 12 % de la valeur du lave-linge. Contre 2 % en Slovaquie.
[…]
Le marché unique validé, la European Round Table n’en reste pas là. Elle pose, aussitôt, au tournant des années 1990, une autre revendication : « Les routes sont trop étroites, déplore Giovanni Agnelli, le patron de Fiat, lors d’une émission La Marche du siècle. Le trafic va doubler dans les années qui viennent, si l’Europe se fait. » (18 septembre 1991)
[…]
La réponse de Jacques Delors ne se fait pas attendre : il apporte satisfaction en direct : « On ne pourra pas tirer tous les bénéfices du grand marché intérieur si l’on ne peut pas circuler plus vite et moins cher dans toute l’Europe. »
Dès 1991, le président de la Commission lance le TEN – le Trans Europe Network. Qui comporte 12 000 kilomètres de voies rapides pour poids lourds. Les barrières douanières étaient abolies, jusqu’à l’Europe de l’Est. Les barrières monétaires tomberaient avec Maastricht. Il convenait donc, également, de faire tomber les barrières physiques : que les distances soient raccourcies par des autoroutes, que les montagnes soient aplanies par des tunnels, que l’on roule même sous les mers. De quoi gagner du temps. Et donc de l’argent. Que règne la « libre circulation des marchandises », et à moindre coût.

Extraits d’un article de François Ruffin dans le journal journal Fakir de février mars 2017.

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