Le système de retraite

[…] Le système de retraite représente en France 14% du produit intérieur brut (PIB) annuel. Ce qui est jugé trop fort ; il faut diminuer cette part au nom de la baisse des dépenses publiques et sociales.
[…]
Puisque les pensions sont désindexées de l’évolution des salaires, plus la croissance économique est forte (et donc, normalement, plus les salaires augmentent), plus les pensions seront déconnectées et représenteront une part plus faible dans le PIB. Ainsi, d’après le COR, si la croissance économique est en moyenne de 1,8% par an pendant le prochain demi-siècle, la part des pensions baissera de 14 % à 11,7 %. Mais si la croissance n’est que de 1 % en moyenne, la part des pensions montera jusqu’à 4,5 %.

Or, les prévisions de croissance sont très modérées pour les prochaines années, et même pour les prochaines décennies. Donc, il s’agit de mettre a bas le système actuel de retraite parce qu’il ne garantit pas une baisse suffisante de la part des pensions dans le PIB.
Comment faire ? En le remplaçant soit par un système par points, soit par un système dit par comptes notionnels. Leur élément commun est d’en finir avec la fixation d’une norme de l’âge de la retraite et avec la durée de cotisation exigée pour une pension à taux plein et, de fait, avec la notion même de taux plein, puisqu`il n’y aura plus de taux de remplacement (pension par rapport au
salaire) garanti.

Rappelons que, jusqu’à la reforme de 1993, les cotisations étaient définies à l’avance. avec au final un taux de remplacement d’environ 75 % pour les carrières complètes, régimes publics et spéciaux inclus.
Le président Macron a promis qu’un euro de cotisation donnerait le même droit à toutes et à tous, et qu’ainsi il n’y aurait plus d`inégalités. C’est doublement faux !

Si le nouveau système était par « comptes notionnels », […]
En rattachant strictement la pension avec la cotisation, on renforce la contributivité et on restreint, voire on élimine, la part de solidarité. Les femmes, en étant les principales bénéficiaires de cette solidarité, on entrevoit le risque de double peine pour elles qui sont déjà moins payées et subissent les temps partiels.
Les retours de l’expérience suédoise sont d’ailleurs éloquents : le système se révèle inégalitaire, pénalise les femmes et les travailleurs aux carrières heurtées et, comme le note l’ex-premier ministre suédois, « il procure des pensions trop basses »…

Si le système proposé sera, comme cela semble le plus probable, par points, sa régulation se fera au niveau des gestionnaires des caisses, par l’ajustement du prix d’achat du point et de la valeur de service de ce point, autrement dit par la disjonction entre les droits acquis et leur satisfaction. Plus personne ne saura quelle pension il percevra. Il est même possible d’introduire dans un système par points la variable de l’espérance de vie par le biais d’un « correcteur démographique » de la valeur de service du point.

La seconde erreur – ou mensonge – est de laisser croire qu’un système par points ou par comptes notionnels échappe aux contraintes démographiques et économiques. C’est complétement faux : aucun miracle n’est à attendre d’un système face à un vieillissement de la population ou à une récession économique. Car tout système de retraite (même par capitalisation !) ne peut que répartir la richesse produite par la population active.

On reste abasourdi de voir des experts les plus reconnus, sinon les plus avertis, étudier comment des systèmes par comptes notionnels ou par points seraient à même de « mieux gérer la double incertitude économique et démographique ». La recherche est vaine car, de l’avis même de ces experts, « il est nécessaire de déterminer les trois paramètres de pilotage majeurs de ce type de régime, suffisant pour déterminer l`accumulation de droits et leur conversion en rente de retraite : le taux de cotisation du nouveau système, le taux de rendement du système (appliqué aux cotisations versées au compte individuel), la règle d’indexation des pensions après liquidation ». Pour au bout du compte conclure que toute reforme « conduit à peu près au même type de partage du produit national entre actifs et retraités quelle que soit la dynamique de ce produit. » […]

Fondamentalement, le projet de réforme du gouvernement vise a sortir du débat démocratique des questions aussi essentielles que la solidarité intergénérationnelle, le temps de travail et le temps de repos après la vie active, ainsi que le partage des richesses produites. […]

Extraits d’un article de Christiane Marty et Jean-Marie Harribey dans Lignes d’attac d’octobre 2018.

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