Criminaliser la contestation politique

La démocratie est aussi trahie, au quotidien, par les arrangements de la part de la puissance publique avec la loi. Dans les domaines du droit du travail ou de l’immigration, je comprends que les codes sont fréquemment éborgnés. Mais connaissant mal ces domaines, je n’en dirai mot. Dans celui de l’environnement, en revanche, il est clair que, quand l’oligarchie a décidé quelque chose, elle s’assied sur les règles qui la dérangent.

En ce qui concerne le nucléaire, le gouvernement refuse la tenue de référendums départementaux à propos des déchets radioactifs en Haute-Marne et Meuse, malgré plus de 50 000 signatures, c’est-à-dire plus de 20 % des citoyens inscrits sur les listes électorales (la loi de 2003 en exige 10 %), recourt au « secret défense » pour empêcher la discussion sur l’effet qu’aurait la chute d’un avion de ligne sur un nouveau type de réacteur nucléaire dit EPR, dissimule aux députés qui débattent de celui-ci un avis réservé de l’administration en charge de l’examen de sa sûreté, organise un débat public sur la construction du réacteur à fusion dit ITER alors que la décision a déjà été prise, etc.

En ce qui concerne les OGM (organismes génétiquement modifiés), le gouvernement refuse l’organisation d’un référendum départemental demandé par le conseil général du Gers, attaque systématiquement les dizaines d’arrêtés municipaux que prennent les communes pour empêcher des cultures transgéniques dont elles ne veulent pas, dissimule la présence de ces cultures alors que la directive européenne impose un registre public, empêche la communication des dossiers d’évaluation toxicologique des OGM pour empêcher la contre-expertise des éventuels problèmes sur la santé qu’ils révèlent, etc.

Il est intéressant de voir comment les nouvelles lois permettent d’agir contre les contestataires tout autant que contre les terroristes. En janvier 2006, par exemple, trois personnes dont on peut penser qu’elles sont des « faucheurs volontaires » opposés aux OGM sont placées en garde à vue pendant quelques heures. Elles sont interrogées dans le cadre d’une information judiciaire « pour participation à une association de malfaiteurs ». Rien n’est spécifiquement reproché aux personnes interrogées, et de ce fait leur avocat n’a pas accès au dossier de l’instruction. Au passage, documents et disques durs d’ordinateurs sont saisis.
De même, le porte-parole du Réseau « Sortir du nucléaire » passe quelques heures en garde à vue en mai 2006 « sous le contrôle de la section antiterroriste » qui recherche la source du document d’EDF montrant que l’EPR est vulnérable à la chute d’un avion de ligne. Là encore, perquisition, saisie de l’ordinateur, pas d’accès au dossier…
En août 2006, un faucheur volontaire, déjà condamné pour avoir participé au fauchage d’un champ d’OGM en 2001, est jugé à Alès en raison de son refus de se voir inscrit au fichier FNAEG des empreintes génétiques.

Extrait de l’essai d’Hervé Kempf Comment les riches détruisent la planète.

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