Consensus républicain

[…] faire fluctuer le jeu des alliances et oppositions politiques autour de l’axe du consensus « républicain » bourgeois, ce jeu parlementaire électoraliste à quoi se réduit la vie « démocratique » présentant le double avantage pour le système d’entretenir un accord de fond sur l’essentiel tout en permettant la contestation sur l’accessoire.

Un monde crétinisé

Mais la petite-bourgeoisie de promotion, scolairement anoblie, rechigne à (s’)apparaître pour ce qu’elle est réellement, c’est-à-dire comme une armée de mercenaires carriéristes dont le sort est étroitement dépendant de la prospérité des entreprises qui les emploient. D’où la diffusion, ces dernières décennies, de la fiction selon laquelle il n’y aurait plus « ni droite ni gauche » et le système capitaliste moderne échapperait désormais à la logique qui a si longtemps structuré la lutte entre classes dominantes accapareuses et classes dominées dépossédées.
Plus de classes donc plus de luttes et plus de reniement. Que chacun, réduit à ses seules forces, se débrouille comme il peut, avec une seule devise : « l’enrichissement la mort sociale ».

Avec l’avènement de la Macronie, bien préparé, il faut le souligner, par la désastreuse « alternance » entre gauche de gouvernement et droite républicaine, la France s’est installée dans cette fiction-là, qui équivaut à un véritable recul de civilisation.
Dans un monde crétinisé par l’appât du gain et l’obsession du rendement, l’élévation du niveau d’instruction et l’augmentation du nombre des diplômés ne sauraient faire illusion : loin de progresser en humanité, nous sommes tombés sous la férule d’une « élite » que le capitalisme a éduquée dans ses ateliers d’ingénierie sociale (petites et grandes écoles, universités, IEP, grandes entreprises, médias, etc.), comme les généticiens fabriquent des chimères dans leurs laboratoires.

La chimère que nos classes moyennes fécondées par l’ADN capitaliste ont enfantée, c’est le diplômé-analphabète, le nouvel Homo œconomicus dont nos filières de formation déclinent les versions à la mode. À grand renfort de brevets, de certificats, et autres peaux d’âne, le capitalisme ne cesse d’instruire ses troupes en leur enseignant que « fiat lux » n’a qu’une seule traduction possible :
« Que la volonté du Capital soit faite ! »

Jamais salariés ne furent à la fois aussi savants, et aussi incultes et vides. Le monde du travail est désormais régenté par une petite-bourgeoisie sur-scolarisée, pire que la grande à bien des égards, en tout cas son admiratrice la plus aveugle et sa servante la plus zélée. Ne pouvant vivre qu’en symbiose, elles continueront à prospérer, c’est-à-dire à se déshumaniser, de concert.

Extrait d’un article d’Alain Accardo dans La Décroissance de juillet-août 2018.

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