BlackRock et nos retraites

Dans un système de retraite par capitalisation, les salarié-e-s comptent sur l’argent qu’il-elle-s auront pu mettre individuellement de côté au cours de leur vie professionnelle – et dont la capacité à générer des revenus va dépendre uniquement de l’évolution des marchés boursiers. Cet argent est collecté par des acteurs (assurances, banques, fonds de pension…) qui les confient à des gestionnaires d’actifs qui eux s’occupent de les investir. On voit donc assez vite l’intérêt des gestionnaires d’actifs dans la réforme des retraites proposée par le gouvernement : les salarié-e-s qui pourront se le permettre vont se tourner vers des produits de retraite par capitalisation, qui sont in fine gérés par ces gestionnaires d’actifs.
BlackRock est l’un d’eux, il gère 7000 milliards de dollars (soit deux fois et demi le PIB de la France), dont les deux tiers proviennent des fonds de pension. Le groupe est représenté dans les conseils d’administration de plus de 1000 sociétés dans le monde, et il détient 2,3 % du CAC 40 dont il a empoché 1,65 milliard de dollars en dividendes en 2018.

Bien que BlackRock ne soit pas très implanté en France, où le fonds ne gère qu’un peu plus de 27 milliards d’euros, loin des 1 500 milliards d’Amundi, le premier gestionnaire d’actifs au monde a un rôle particulier dans cette réforme. BlackRock propose en effet ses conseils aux gouvernements sur leurs politiques économiques et financières, et est très écouté. Le groupe sait pour cela recruter parmi les personnes les plus influentes: Georges Osborne (ancien ministre des finances britannique) ou Friederich Merz (ancien candidat à la tête de la CDU en Allemagne) travaillent actuellement pour BlackRock.
En France, c’est Jean-Francois Cirelli, ancien conseiller économique de Jacques Chirac, qui dirige l’entreprise. Il a su remarquablement faire jouer ses réseaux puisque Larry Fink, PDG de BlackRock, a été reçu personnellement à l’Elysée en juin 2017 et en juillet 2019. Beaucoup plus que les autres gestionnaires d’actifs, BlackRock mène une politique de lobbying intense pour faire évoluer les législations dans des directions qui lui sont favorables.

Au niveau européen, BlackRock a œuvré pour la mise en place d’un plan d’épargne paneuropéen, et a obtenu gain de cause en 2019. En France, Jean-François Cirelli, qui avait déjà conseillé François Fillon lors de la réforme des retraites de 2013, fait actuellement partie du « Comité action publique 2022 » dont l’objectif est de réduire les dépenses publiques via des « transferts au secteur privé ». Il cherche notamment pour cela à « renforcer l’idée auprès des autorités publiques qu’il faut investir pour la retraite dans les marchés de capitaux ». BlackRock a également publié une note
« Loi Pacte: le bon plan Retraite » avec des recommandations visant à généraliser les plans d’épargne retraite.

Parmi les solutions proposées, on retrouve les incitations fiscales à investir dans des plans d’épargne retraite. Pour BlackRock, l’enjeu est double. D’abord, continuer à gagner en influence par son poids dans l’économie, et aussi réorienter un flux massif de capitaux (le budget des retraites en France représente plus de 300 milliards d’euros par an) vers la finance de marchés, et ainsi contribuer à alimenter la demande de titres boursiers, et la valeur qui va avec.

Article de Pierre Grimaud dans Lignes d’attac d’avril 2020.

Il faut également savoir que cette réforme va renforcer le séparatisme des hauts revenus :

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