Abominables usines de la torture animales

Voici un étrange paradoxe : c’est au moment où sous l’action d’intellectuels, de philosophes, de jacques Derrida à Élisabeth de Fontenay, grâce à des associations et surtout grâce à l’arrivée d’une jeunesse qui se reconnaît de moins en moins dans les viandards et les bidochon des générations précédentes, un début de reconnaissance est accordé à l’animal ; au moment aussi, je l’ai dit la semaine dernière, où un grand pape est en train de jeter à bas cet utilitarisme vulgaire où capitalisme, socialisme et christianisme ont longtemps communié dans la dénaturation de la nature et la désanimalisation de l’animal, c’est à ce moment-là, dis-je, que les gros bonnets de l’industrie alimentaire installent, avec une démesure croissante, leurs abominables usines de la torture animales et de la dénégation du vivant.

Cette violence planifiée, cette organisation de la production sans pitié, introduit le tragique au sein du système industriel. Il nie l’existence des animaux et, ce faisant, crée dans les rapports multimillénaires de l’homme avec l’animal une « rupture anthropologique » dont on ne mesure pas encore les conséquences, écrit justement Jocelyne Porcher (le Monde, 29 août 2015).
[…]
Je n’ai garde d’oublier la détresse des éleveurs, victimes d’une concurrence internationale féroce qui les menace dans leur moyens d’existence. Les plus lucides d’entre eux savent bien que cette surenchère permanente dans l’abaissement des prix de revient se fait non seulement au détriment de toute dignité animale, mais conduit aussi immanquablement la majorité d’entre eux à la faillite.

Si donc on raisonne à plus long terme, il n’y a pas d’autre issue que dans la révision en profondeur des rapports de l’homme avec la nature, et la réactivation de ce que Michel Serres appelle le « contrat naturel ». La nature ne saurait, sous peine de catastrophe, continuer d’être un pur lieu de prédation, elle doit redevenir un partenaire pour l’homme.

Extrait d’un article de Jacques Julliard dans l’hebdomadaire Marianne du 4 septembre 2015.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *